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Bibliographie de Jean-Christophe Latger   (2)Voir plus

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Zone 4, 10 septembre 2080
Trois balles vinrent s’écraser sur le blindage de la borne informatique. Lou rentra la tête dans les épaules tout en continuant à pianoter sur le clavier de son unité portable « XT32 ». Les tirs devenaient de plus en plus précis. De l’autre côté de la borne, la voix nasillarde de Fred se fit entendre :
— Nom de Dieu ! Grouille-toi, Lou ! On peut pas rester là, si le reste du gang se pointe, on est mort !
Fred, vêtu d’un vieux jeans et d’un T-shirt noir sans manche, se tenait accroupi derrière une carcasse de voiture calcinée. Il avait un bandana rouge vif noué sur la tête à la façon des pirates qu’il avait vu au cinéma, autant pour se protéger du soleil que pour se donner un look. Ainsi installé, il ressemblait à un enfant boudeur, fatigué de jouer aux gendarmes et aux voleurs. Pourtant, son long et fin visage, constellé de taches de rousseur, exprimait une certaine inquiétude. Son regard évoquait celui de l’animal piégé qui se sait condamné, mais tente le tout pour le tout afin de sauver sa peau. Il leva son pistolet-mitrailleur, lâcha une rafale au hasard puis replongea immédiatement pour se mettre à l’abri. Il se mit à jurer de plus belle. L’affaire s’annonçait mal. Une nouvelle salve déchira le silence de la rue. Le jeune homme se ramassa sur lui-même, apeuré. En quelques minutes, la situation avait tourné à la catastrophe et son instinct lui soufflait que le pire restait à venir.
— J’y suis presque… J’y suis presque… J’ai besoin de plus de temps, marmonna Lou.
Les yeux plissés, les traits tendus par la concentration, Lou ne quittait pas du regard l’écran de son unité portable. Les fenêtres des programmes s’ouvraient et se fermaient à une vitesse vertigineuse. Ses doigts virevoltaient sur le clavier, déclenchant les attaques comme un général envoie les régiments au combat : logiciels de déverrouillage, de blocage des systèmes de défense, de recherche de mots de passe : tout l’arsenal à sa disposition y passait. Malgré ses efforts, le même message s’affichait inlassablement sur le moniteur : « Accès non autorisé ». La sueur dégoulinait sur son visage, le forçant à cligner des yeux.
Le pâté de maisons aurait pourtant dû être désert. Fred avait assuré que le quartier était abandonné depuis longtemps ; c’était la raison pour laquelle il l’avait choisi. Leur projet, s’attaquer à une borne informatique de la Générale des Télécoms, nécessitait un endroit calme. Lou avait pris le reste des opérations à son compte : il s’était vanté de pouvoir entrer dans le système en moins de cinq minutes, car ces vieilles bornes ne possédaient pas tous les logiciels de défense disponibles actuellement. Elles dataient des années 2030, lorsque les grands penseurs du conseil municipal avaient décidé que l’Internet était devenu le média indispensable à la vie quotidienne. Le maire en avait fait installer dans chaque rue des différentes Zones, une « mesure sociale » en faveur des plus démunis. En fait, la plupart d’entre elles n’avaient jamais été utilisées, et pour cause : Les habitants de ces quartiers avaient d’autres préoccupations. Ils devaient lutter quotidiennement contre la violence, le chômage, l’insalubrité des logements ; l’Internet restait pour eux un gadget réservé aux classes aisées.
Une nouvelle rafale déchira l’air. Les balles soulevèrent un nuage de poussière aux pieds du jeune homme.
— Plus de temps, il me faut plus de temps ! grommela-t-il en lançant pour la troisième fois le programme de recherche de mots de passe.
Tout avait pourtant bien commencé ce matin-là. Lou et Fred s’étaient retrouvés à l’entrée du lycée, comme d’habitude. Cependant, au lieu d’aller en cours, ils s’étaient installés à une table du bar estudiantin situé en face de l’établissement. Tout en buvant un soda, Fred avait discrètement ouvert sa sacoche, révélant le pistolet mitrailleur dont il avait fait l’acquisition la veille. Lou avait à son tour dévoilé son armement, une console XT32 toute neuve, achetée une semaine plus tôt à un vendeur à la sauvette. Ils s’étaient adressé un sourire complice, puis, après avoir soigneusement rangé leur matériel, étaient partis en direction de la Tour 21. Cet immeuble imposant, qui servait de point de repère et de rencontre à tous les jeunes du quartier, avait la particularité de posséder un réseau de caves qui donnait sur les égouts. Beaucoup de petits voyous empruntaient ces passages pour éviter la police : Lou avait dû se délester d’une bonne partie de ses économies pour que le gang des « Rhinos » lui permette de prendre cette voie. Le sourire aux lèvres, ils s’étaient engouffrés dans les tunnels sombres, pataugeant joyeusement dans les liquides douteux qui couvraient le sol. C’était la première fois qu’ils quittaient la Zone 12, où ils avaient grandi. Ils ne parlaient pas, mais l’excitation était bien visible sur leurs visages.
Ils traversèrent la Zone 18, puis pénétrèrent en Zone 4, but de leur escapade. Fred sortit alors son arme. Ils avançaient maintenant avec plus de précautions, tous les sens aux aguets. Le danger était beaucoup plus important ici qu’en Zone 12. Là-bas, la violence existait aussi, les gangs étaient omniprésents, mais la zone 4 passait pour être la plus sauvage de toutes.
La rue avait un air de désolation qui résumait bien l’ambiance du quartier. Le silence régnait dans les hauts immeubles délabrés, seulement troublé par le bruit du vent qui s’engouffrait par les fenêtres à moitié détruites. De vieux rideaux déchirés pendaient lamen10
tablement sur des murs débordants de graffitis. Les gravats s’amoncelaient près des carcasses de voitures, des portes enfoncées laissaient deviner les couloirs noirâtres et crasseux d’appartements depuis longtemps abandonnés.
La chaleur était accablante. La poussière de la rue, soulevée par la brise, leur piquait la gorge et asséchait leur bouche. Les deux garçons s’étaient habitués à cette fournaise quasi constante, entrecoupée de fortes pluies, sporadiques, mais intenses, qui inondaient systématiquement les quartiers bas de la ville. Le réchauffement climatique induit par les activités humaines du début du siècle avait eu des effets dévastateurs : après la montée des eaux et les cataclysmes de l’année 2028, un climat tropical s’était durablement établi sur toute l’Europe. Les espèces qui n’avaient pas su s’adapter avaient disparu. Bien peu de gens s’en étaient émus. Cela n’avait de toute façon aucune importance : grâce à la génétique, l’homme moderne était capable de vivre sans l’aide de la nature.
La Zone 4 était le quartier le plus pauvre de la ville : une grande partie des bâtiments avait été abandonnée par la population à cause de la violence récurrente. L’endroit était devenu le paradis des miséreux, des laissés pour compte, de tous ceux que la société n’avait ni l’envie ni le courage de soutenir. Le pistolet mitrailleur de Fred avait vite dissuadé les pouilleux en haillons qui s’étaient montrés trop curieux. Ainsi, la rue était déserte lorsque Lou avait connecté sa mini console. Il avait tranquillement commencé à lancer ses attaques, ses doigts agiles dansants sur le clavier. Fred, lunettes de soleil collées sur le nez, se pavanait sur le bitume, l’arme au poing, l’air féroce. Il avait rapidement déchanté quand il avait vu trois individus armés surgir à l’angle de l’avenue, certainement avertis par des squatters. Fred avait tout de suite reconnu le tatouage sur leur épaule, figurant un serpent dressé : la marque du gang des « Cobras », le gang le plus farouche de la cité. L’un des trois gangsters, un petit homme trapu et hirsute, avait pointé un bras musculeux dans leur direction et les hostilités avaient commencé : le crépitement des fusils mitrailleurs tenait lieu de déclaration de guerre. La situation était en train de tourner au cauchemar. Fred avait répliqué, un peu au hasard, espérant les chasser, mais l’échange de coups de feu s’éternisait maintenant depuis plusieurs minutes. Le garçon tenait les assaillants à bonne distance, lâchant une rafale de temps à autre. Cependant, le temps jouait contre lui : dès que le reste de la bande serait là, ils passeraient à l’offensive.
Le staccato des armes automatiques retentit à nouveau. Lou regarda défiler les lignes de code sur l’interface du logiciel : le compteur annonçait « 77 % effectué ». Encore quelques secondes et il aurait accès à la base de données client de la Banque de Crédit Internationale. Deux minutes lui suffiraient alors pour en copier l’intégralité sur son disque dur. Il ne resterait plus qu’à opérer une prudente retraite. La vente des données sur les sites de hackers aurait vite fait de rentabiliser l’opération.
La fenêtre d’interface se referma sur le message « opération terminée ». Une nouvelle fenêtre s’ouvrit, indiquant « Accès autorisé ». Lou poussa un soupir de soulagement. Il se mit à la recherche du fichier convoité, qu’il localisa très rapidement. Il venait d’exécuter le programme de copie lorsqu’un grondement de mauvais augure lui fit lever la tête. Un masque funeste se dessina sur son visage : Un Lévicraft de la Milice Anti-Gang apparut au bout de la rue, du côté du groupe des Cobras. Il oscillait doucement à cinq mètres du sol, entre les deux rails supraconducteurs installés de part et d’autre de l’allée.
La technologie de la supraconductivité était arrivée à maturité douze ans plus tôt : c’était une formidable avancée en matière environnementale et la municipalité avait rapidement équipé toutes les rues de rails supraconducteurs. Les lignes se superposaient tous les cinq mètres, ce qui réglait partiellement le problème des embouteillages. Il n’y avait guère que dans les Zones que l’on utilisait encore les véhicules à essence, du moins si l’on trouvait suffisamment de carburant pour cela. Dans certains quartiers, notamment ceux des grandes Corporations, la circulation s’étageait sur une dizaine de niveaux. Tous les véhicules étaient équipés de petits propulseurs électriques leur permettant de quitter les rails ou de s’engager su
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