Jean Dolent

Elle. — C'est gentil, la peinture.
Ils avaient à classer un portrait ; le côté joli homme manquait au modèle, et Ingénio le reconnut ; il insista pour qu'il fût rendu justice au peintre et au modèle. L'artiste semblait avoir voulu rendre cette grâce particulière, la franchise; les yeux bien ouverts regardaient en face : c'était le côté séduisant de cette physionomie ; — le mot séduisant dit par Ingénie ne passa point sans que la justesse en fût contestée; — Ingénio le maintint, si peu joli homme que fût le modèle.

Devant un tableau sans art d'un peintre renommé, il me vient aux lèvres quelques-uns des mots que les cochers se disent entre eux.

— Une passion, c'est un caprice aigu.
— Croyez-vous ! Prenant la parole sur des sujets qui vous sont peu familier. Si vous reprochez aux artistes de ne pas terminer une toile avant d'en esquisser une autre, de renoncer à un tableau, d'y revenir, de passer sans cesse de l'enthousiasme au découragement, et de ne pas régler la production. Vous aurez, madame, à vous consoler de cela; vous les voulez, les artistes, réguliers, bien équilibré, corrects.... Eh! vous avez dans ces conditions plusieurs banquiers, quelques boursiers, un certain nombre de gros rentiers.

J’ai lu souvent et souvent j’ai entendu ceci : Pour la critique spéciale il faut des hommes spéciaux, et il n’y a qu’un peintre, un statuaire, qui puisse, en connaissance de cause, raisonner peinture ou sculpture.
— Est-ce vrai? est-ce juste? demanda Lagouette.
— Ce qu’un artiste de mérite pense d’un artiste de talent et de soi-même, voilà ce qui a du prix, ce qu’il serait utile de connaître. Cette opinion intime de François Millet sur Jules Breton, de Baudry sur Bonnat, de Meissonier sur Gérôme, d’Henner sur Carolus Duran, ce qu’ils en disent n’a pas de valeur. Pensez du bien des tableaux que les peintres achètent. Un jeune sculpteur pressait gaiement Carolus Duran : — Vous ne ferez pas d’élève; c’est votre tempérament de coloriste qui vous tient lieu de science. — Vraiment! Eh bien, j’écrirai un livre sur la peinture. — Nous attendons, mon maître.

Aux lieux confortables où vous respirez, madame, on perd la crainte de mal parler aux gens de peu. Il vous est arrivé cette fâcheuse aventure de dire à un statuaire de modeste renom, mais en pleine lutte : « Travaillez vous toujours? » et à un peintre acharné à son oeuvre, d'un ton doucement grondeur : « Le méchant! qui ne fait plus rien, w Comment, plus rien ! Au lendemain d'une Exposition où sa toile avait été vue des artistes, si haut qu'elle fût placée, « plus rien ! »
— Si j'ai dit cela, je ne m'en souviens pas. — Ils s'en souviennent. Une autre fois, vous avez dit d'un tableau, devant l'artiste, un vieillard : « C'est plein de promesses. »
— Eh ! dois-je recueillir les artistes méconnus, les oiseaux blessés à l'aile? ai-je à les réchauffer dans mon sein ? — Ils ne s'y réchaufferaient point.

Un artiste, un peintre, s'il juge au autre peintre, un peintre vivant, par un patient effort paraît péniblement chercher les mots. Je le crois très habile.

Les vrais connaisseur sont rares, il est vrai, les vrais artistes aussi ! Il est des artistes qui disent la vérité sur leurs confrères et sur eux-mêmes.

La vanité de l’artiste est le résultat de l’attitude du public. Pourquoi tant citer les noms des artistes ? Dans les meilleurs, les mieux rédigés de nos journaux, la République française entre autres, on ne signe pas. Qu’il en soit de même en art. Ce qui est important, c’est que l’art en France ait une signification propre, grâce au talent des artistes français.

Mlle Héloïse s’arrêtait devant les portraits d’acteurs; elle disait leur nom tout haut, un peu trop haut. Elle prit aussi quelque plaisir à voir les bonnes têtes de gens bien portants, fleuris, charnus, bonnes gens non dissimulés, reposés, doux ; gens qui ronflent certainement ; bruyants éveillés, bruyants endormis, inoffensifs, tous braves gens.

L'originalité d'Humbert est composée de morceau joints : François Millet, Puvis de Chavannes. On voit la couture.