Jean Dominique (III)

Gabriel vint la chercher au comptoir d'accueil pour l'emmener dans son bureau.
Allongé de tout son long sur le sol, un jeune chien de berger noir et blanc leva la tête en frottant la queue lorsqu'il aperçut Euphrasie.
- Qu'est-ce qu'il fait là celui-là ? questionna-t-elle en s'asseyant sur la chaise que lui montrait du doigt l'officier de gendarmerie.
Gabriel jeta un regard rieur au chien qui levait la tête pour réclamer une caresse.
- Il est en garde à vue.
- En garde à vue ! Mais qu'est-ce qui vous passe par la tête à vous autres les gendarmes ? Vous ne manquez pourtant pas de travail.
L'animal se redressa pour s'asseoir sur son séant, conscient qu'il était l'objet de la conversation.
- Le prévenu ici présent est un voleur de poules. Hier soir, il a dévasté le poulailler de Madame Jouve. Son propriétaire étant absent, nous avons dû procéder à l'arrestation du prévenu qui sera, dans les plus brefs délais, remis à la S.P.A en attendant que son maître veuille bien le récupérer après avoir payé l'amende qui lui sera verbalisée.

De fait, les cas relevant du psychiatre n'étant pas pléthore. Pour rentabiliser leurs médecins certains hôpitaux leur confient des soins ressortant de la psychologie. Angoisses, troubles de la libido, troubles obsessionnels ou addictions. Pathologies toutes liées à un mal-être.
Sans parler de ceux dont les actes relèvent de leur inaptitude à utiliser leur intelligence à bon escient...
- Que voulez-vous... répondit Duprez en interprétant à sa façon le haussement de sourcils de son collègue. La société voudrait qu'on interne tous les cons. Je vous laisse imaginer la taille des bâtiments qu'il faudrait construire.
Son confrère sourit. Cette phrase, à plusieurs versions, peuplait souvent les couloirs des hôpitaux psychiatriques depuis que le comédien André Dussolier l'avait si magistralement assené dans le film "Tais-toi".

Depuis quelques mois Léa Fayolle subissait le contrecoup d'une séparation tragique. Son compagnon, parti sans laisser d'adresse, l'avait abandonné avec un enfant de deux ans sur les bras. La malheureuse jeune femme, non contente de se retrouver dans l'ignorance la plus totale quant aux raisons de cette absence, devait subvenir à ses besoins et celle du petit garçon sur un maigre salaire de caissière au supermarché local.
(...) Comme des milliers d'autres avant elle, l'amour l'avait rendue aveugle. Le retour à la lumière n'en fut donc que plus dramatique.