Fragile pont de mémoire, avivé par ce qui ne se termine pas, sur lequel la défaillance du souvenir recule, pour s'effacer face à ce qui a fait défaut, qui fait encore défaut.
Nous est refusé la consolation illusoire et romantique de l'Exil ; n'est exilé que celui qui peut revendiquer une Terre.
Où est cette Terre qui n'a pas eu le temps d'exister, qui s'est laissée entrevoir dans la Guerre, et qui, à nouveau aujourd'hui, se rouvre, dans les douleurs des morts qui répondent aux morts par-dessus le temps, et qui s'agite, dans l'effort épuisant de naître ?
Les chemins suivis par Camus ne sont jamais déterminés par l'espace-temps ordinaire, par les temps comptés des horloges ou la signalétique des cartes, mais par la récurrence aléatoire de l'obsession originaire qui fait que tous ses livres se ressemblent, s'éclairent les uns les autres sans jamais se succéder. Ainsi plusieurs chemins sont possibles pour les parcourir, une infinité : celui-ci n'en est que quelques-uns parmi les autres?
"Oran est un lieu de transmutation d'un exil encore teinté d'empathie, avec à la terre natale, romantique, c'est-à dire métaphysique, celui de Noces, de l'Eté, en un exil sans recours, gris, morne, d'une tout autre vérité. Qui a son poids de réel. (...) La Peste peut et doit"se lire sur plusieurs portées" dont aucune ne l'épuise. Le chemin s'inverse, il ne s'agit plus d'aller de l'idée vers l'image, mais de l'image vers l'idée".