Jean-Louis Kuffer

Une lecture très ancienne d'une autobiographie passionnante du fondateur des éditions de l'Age d'Homme; mais au-delà du récit de son parcours d'éditeur, de découvreur de talents... il y a aussi les errances d'un éternel migrant, enfant de Skopje, dans la boutique à l'orientale de ses parents, le garçon de Belgrade, fuyant avec sa famille la ville bombardée, etc.



L'ouvrage est écrit à la première personne ... mais il est en réalité le fruit d'entretiens avec Jean-Louis Kuffer. Il se lit toutefois comme une autobiographie directe. Ce texte palpitant a été réédité en 2008, en format de poche, à l'Age d'Homme...



Un livre captivant, un "appel au partage", ponctué de rencontres mémorables, de Thomas Wolfe à Witkiewicz, d'Alexandre Zinoviev, Etienne Barilier , Gaston Cherpillod, à Vladimir Volkoff et tant d'autres



"La lecture telle que je l'entends n'a rien d'une consommation passive: c'est au contraire une combustion et une communion de tous les instants" (p.103)



Il y aurait mille choses à relater de ce parcours exceptionnel d’éditeur, profondément engagé dans son époque…Mais en re-parcourant les passages soulignés, je relis une appréciation très intéressante de Vladimir Dimitrijevic, concernant l’œuvre mésestimée de Simenon :



« Simenon n’est pas qu’un bon photographe. Lorsqu’il évoque un lieu des quatre coins du monde, l’ambiance d’une rédaction ou d’une pension de famille, les petits matins laborieux ou les crépuscules tropicaux, nous y touchons avec tous nos sens. Or ils sont très rares, les écrivains qui ressaisissent le monde avec leur cinq sens . (…)





Tout est déterminisme apparent dans cet univers au ciel bas, gouverné par une biologie en déroute. Mais je crois qu’il y a quelque chose de profondément religieux chez cet écrivain, en dépit de l’affirmation de sa foi de charbonnier scientiste. Chacun de ses personnages demeure religieusement confiant en son étoile . C’est une œuvre dont on n’a pas encore pris, je crois , la vraie mesure, et qui s’ouvre à la méditation (p.213)



Un témoigage unique d'un éditeur qui a consacré sa vie à la littérature et à sa maison d'édition, qui représente l'un des catalogues littéraires et de sciences humaines, parmi les plus "riches" et denses, des éditeurs ,dans l'hexagone... !

Vladimir Dimitrijevic connu aussi sous le nom de Roman Dragomir fut le créateur des éditions " l'âge d'homme " et permit aux lecteurs francophones de ne pas passer à coté d'écrivains comme Eugenio Corti , Alexandre Zinoviev , Vassili Grossman , Vladimir Volkoff et tant d'autres . Ennemi de toutes censures mais , on ne peut l'en blamer , puisque c'était ces origines , Serbe jusqu'au bout des ongles .

Livre d'interviews du professeur, critique, éditeur et écrivain suisse Pierre-Olivier Walzer, le paladin des lettres procure une excellente introduction aux Lettres romandes, en même temps qu'une agréable lecture. Titulaire de la chaire de Lettres françaises de l'université de Berne pendant une période clé de l'histoire littéraire suisse, Walzer a étudié à Paris dans l'immédiat avant-guerre et rencontré nombre de figures marquantes du monde des Lettres et de celui de l'édition. On croise au cours d'un bavardage familier des auteurs connus ou moins connus: Charles-Albert Cingria, avec qui Walzer partage une maison à Fribourg pendant la guerre, Ramuz et pour les Parisiens Henri Martineau, le stendhalien libraire de feu Le Divan, Francis Carco ou Jacques Audiberti. Werner Renfer, les écrivains jurassiens, Alexandre Voisard, complètent le paysage, mais l'entretien couvre aussi le champ plus large de la théorie littéraire, de la politique culturelle, voire de la politique tout court. Pierre-Olivier Walzer parle modestement de ses propres ouvrages, notamment d'une Vie des saints du Jura qui s'annonce savoureuse, tout en évoquant ses travaux universitaires (Toulet, les poètes fantaisistes), ses ouvrages de critique (Valéry, Mallarmé) ou son métier d'éditeur. Au total, un plaisant ouvrage, dont une part non négligeable du mérite revient à la pertinence de Jean-Louis Kuffer, écrivain et auteur du blog ci-dessous.

Sublime, une précision d'artisan dans la confession.

en blocs litaniques de deux ou trois pages, déclinaison d'êtres, allant le plus souvent de la lumière à une grimace, regard humain, tendre, caustique sur nous et notre société