AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Aquilon62


Mais un abîme va s’ouvrir maintenant sous nos pas ; nous ne savons quelle route suivre dans un tel gouffre et la pensée se précipite avec effroi de malheurs en malheurs jusqu’à l’anéantissement de tout espoir et de toute consolation. [...] tout est semblable bien qu’extraordinaire ; tout est monotone bien qu’horrible ; et l’on serait presque honteux de soi-même si l’on pouvait regarder ces atrocités grossières d’assez près pour les caractériser en détail.
Examinons seulement le grand principe de ces monstrueux phénomènes : le fanatisme politique. Les passions mondaines ont toujours fait partie du fanatisme religieux ; et souvent au contraire la foi véritable à quelques idées abstraites alimente le fanatisme politique ; le mélange se trouve partout, mais c’est dans sa proportion que consiste le bien et le mal. L’ordre social est en lui-même un bizarre édifice : on ne peut cependant le concevoir autrement qu’il n’est ; mais les concessions auxquelles il faut se résoudre pour qu’il subsiste tourmentent par la pitié les âmes élevées, satisfont la vanité de quelques-uns et provoquent l’irritation et les désirs du grand nombre. C’est à cet état de choses plus ou moins prononcé, plus ou moins adouci par les mœurs et par les lumières, qu’il faut attribuer le fanatisme politique dont nous avons été témoins en France. Une sorte de fureur s’est emparée des pauvres en présence des riches, et les distinctions nobiliaires ajoutant à la jalousie qu’inspire la propriété, le peuple a été fier de sa multitude ; et tout ce qui fait la puissance et l’éclat de la minorité ne lui a paru qu’une usurpation. Les germes de ce sentiment ont existé dans tous les temps ; mais on n’a senti trembler la société humaine dans ses fondements qu’à l’époque de la Terreur en France : on ne doit point s’étonner si cet abominable fléau a laissé de profondes traces dans les esprits et la seule réflexion qu’on puisse se permettre, et que le reste de cet ouvrage j’espère confirmera, c’est que le remède aux passions populaires n’est pas dans le despotisme mais dans le règne de la loi.

GERMAINE DE STAËL (1766-1817)
Commenter  J’apprécie          110





Ont apprécié cette citation (11)voir plus




{* *}