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Citation de Aquilon62


Maître, j’ai fait ce matin une extraordinaire découverte.

Depuis trois mois, je suis propriétaire d’une maison dans les collines de Lucques. C’est une maison de votre siècle, du Quattrocento, simple et massive, dont la loggia à colonnes ouvre sur un champ d’oliviers. Avant d’avoir la chance de l’acheter, j’ai rôdé autour d’elle durant des années. Je l’ai dessinée, peinte et longtemps caressée en rêve. L’ancien propriétaire est décédé. Sa fille me l’a vendue en insistant sur le fait que les meubles et objets ne pouvaient être débarrassés. C’était à prendre ou à laisser. J’ai pris le tout, passionnément.

Ce matin, donc, j’entreprends l’exploration de l’entresol rempli comme l’entrepôt d’un brocanteur. Dans un angle : une armoire ; dans l’armoire : des étagères poussiéreuses ; sur une étagère remplie : de vieux livres et un carton à dessin. Je saisis le carton et l’expose dans la lumière du jardin.

Sous la couche de poussière, je lis sur le plat l’inscription manuscrite « sans par », curieuse formulation en français dans un lieu si éloigné du pays de Montaigne ! Je trouve à l’intérieur une dizaine de photographies en couleurs, toutes de peintures montrant un visage de femme. Ce sont des détails agrandis, un peu flous, et qui semblent être des portraits de la même personne, une très jolie jeune femme. Je reconnais immédiatement celui de votre Vénus, si connue et tellement galvaudée. L’agrandissement n’est cependant pas celui du tableau des Offices – c’est là qu’il est installé depuis plus de deux siècles – : le visage au regard perdu et triste est bien le même mais il est peint sur un fond noir. Il s’agit d’une copie, plutôt fidèle ; sans doute d’un de vos admirateurs ou d’un de vos assistants.

Ma curiosité monte d’un cran quand je découvre, au milieu des photographies, un dessin enveloppé dans du papier de soie. Il mesure environ vingt-cinq centimètres sur vingt ; il est de fort grammage, de couleur crème-bistre et présente quelques taches de moisissure. Le dessin est exécuté à la plume et à l’encre brune. Il comporte des rehauts de craie blanche et il est carroyé, signe qu’il était destiné à un agrandissement, en vue d’une peinture. La figure féminine est représentée en pied, en contrapposto, déhanchée mais légèrement, le bras droit ouvert semblant porter une couronne, le gauche en appui le long du corps et deux doigts tenant les plis du voilage de la robe. L’habit est si fin qu’il révèle parfaitement le corps de la belle. Les seins sont soutenus par un fin laçage tel qu’il se pratiquait de votre temps – nous l’appelons aujourd’hui Renaissance. Le visage est flouté car l’artiste l’a esquissé dans deux inclinaisons différentes. On voit bien cependant que c’est celui d’une belle jeune femme élégante, à la chevelure ondoyante.

(INCIPIT)
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