Quelque part en France
Lettre à SB
Un livre
Cher Maître, je viens de refermer la dernière page d'un livre qui parle de vous.
Un livre qui vous rend un hommage très inspiré et inspirant, mais aussi à celle qui fut votre muse : Simonetta qui repose pour l'éternité à quelques mètres de vous en l'église Chiesa di San Salvatore in Ognissanti à Florence.
Florence cette ville où l'auteur finit sa quête, dans la loggia dei lanzi, à deux pas du Musée des Offices, où s'offrent à la vue des amateurs d'art du monde entier deux de vos chefs-d'oeuvre "La Naissance de Vénus" et "Le Printemps".
Où plutôt de nos jours, à des milliers d'yeux numériques, ce serait trop long à vous expliquer, mais nous avons perdu ce réflexe à regarder la réalité sans le filtre d'un écran...
Alors certes vous me direz voilà un livre de plus vous concernant. Depuis Vasari, qui dans "Le Vite de' più eccellenti architetti, pittori et scultori Italiani" - qui au passage à revu son analyse vous concernant entre la première édition de 1550 et la seconde de 1568 - il y en a eu des livres traitant de votre vie, de vos oeuvres, de vos vicissitudes, de vos aléas avec la "politique".
Paul Veyne dont vous avez rejoins le musee imaginaire dira de vous : "Pour nous, Botticelli est le symbole de la Renaissance italienne, ce n'est plus Raphaël (et peut-être n'avons-nous pas tort). La Naissance de Vénus et le Printemps sont le "clou" de la Galerie des Offices à Florence. Et pourtant cet enchanteur n'eut aucune complaisance démagogique, aucun égocentrisme non plus ; ce fut un idéaliste, un rêveur, ses déesses nues sont pures comme des saintes."
Des romans ont été également écrits pour le meilleur et parfois pour le pire...
Mais cette fois vous rejoignez une collection d'un éditeur qui a eu la bonne idée de nous démontrer que certains tableaux ont cette étonnante capacité de nous réenchanter, corps et âme, de mobiliser notre mémoire, notre imaginaire, nos émotions. Mais comment sont-ils nés ? Dans quelles circonstances et à quel moment de la vie de l'artiste ? Chaque auteur de cette collection raconte la véritable saga d'un tableau en le mettant en scène à l'époque et dans le lieu où il a vu le jour. Ces fragments de notre patrimoine universel sont une source inépuisable d'émerveillement et d'empathie. Dans cette collection vous côtoyez
Michel-Ange, Uccello que vous connaissez, et d'autres qui vous ont succédé : Caravage, Monet, Fragonard ou Klimt
Le postulat de l'éditeur de cette collection : « Face aux violences du monde, à nos peurs, à nos tentations de repli sur soi, la voix des artistes réconcilie, réveille et rassemble. Résonne alors en nous cette quête éperdue du beau. La beauté. Simplement. »
Et ce livre rend hommage à cette beauté, celle de vos toiles. Beauté changeante car votre oeuvre a évolué au fil du temps pour finir par ce dernier tableau : "la derelitta", la beauté mélancolique ou la mélancolie en beauté ?
À la beauté de Simonetta Vespucci dont sachez-le
Laurent de Médicis dans son Comento écrira "Il était incroyable que tant d'hommes dépourvus de convoitise l'aimassent et que tant de femmes sans jalousie la complimentassent..."
Au fil de ses voyages en quêtes de vos Vénus éparpillées de par le monde, l'auteur de ce livre vous surnomme le Maitre des Vénus tant vous avez mis en scène votre muse : "Fallait-il que vous en fussiez éperdument amourait pour la peindre aussi sublimement ! Il semble qu'aucune autre femme que la « Divina Simonetta » n'ait existé à vos yeux, comme dans votre coeur. Est-ce que je me trompe ? Au Fil du pinceau, sur une période de quinze ans, elle est passée du statut de modèle à celui de muse, et, avec La Naissance de Vénus, à celui de femme idéale. Personne d'autre que vous n'a mieux rendu hommage à sa beauté"
Moi qui ai lu
Homère, comment n'ai-je pas fait le rapprochement entre ce texte et votre tableau :
"Je chanterai la belle Aphrodite à la couronne d'or, la déesse vénérée qui a pour apanage tous les hauts lieux de Chypre, l'île marine où le souffle puissant de l'humide Zéphyr la porta, sur les vagues de la mer mugissante, dans la molle écume : les Heures au diadème d'or l'accueillirent avec joie, et lui donnèrent des vêtements immortels. Sur sa tête divine elles placèrent une belle couronne d'or finement ciselée ; elles mirent à ses oreilles, dans les trous de leurs lobes, des fleurs d'orichalque et d'or précieux ; elles ornèrent son tendre col et sa gorge éclatante de ces colliers d'or dont se paraient elles-mêmes les Heures au diadème d'or, quand elles allaient se joindre au choeur charmant des dieux, dans la demeure de leur père. Après avoir revêtu son corps de toutes ces parures, elles la menèrent chez les Immortels. Ils l'accueillirent avec joie et tendirent les mains vers elle : chacun d'eux désirait faire d'elle sa légitime épouse et l'emmener en sa maison, tant ils admiraient la beauté de Cythérée couronnée de violettes.
Salut, déesse aux vifs regards, au doux sourire ! Accorde-moi de remporter la victoire en ce concours, et donne tes faveurs à mon chant ; pour moi, je penserai encore à toi dans un autre chant."
(À Aphrodite (II) - Hymnes homériques - Tout
Homère - Éditions Les
Belles Lettres)
Parfois, l'auteur s'emporte contre vous : "Vous n'avez laissé aucune indication, note ou recette concernant la fabrication de la Naissance", alors cela serait trop long à vous expliquer mais combien de scientifiques, de radiographies, d'experts, d'analystes se sont penchés sur vos oeuvres pour tenter d'en percer les mystères. Combien d'heures ont été passées à disserter sur vos techniques, méthodes ou recettes...
Mais comme le dit si bien
Jean Lovera : "Il me reste à l'imaginer, La tâche est douce. "
"Grâce à cette Peinture, vous êtes devenu le Peintre de la lumière. Votre technique est votre secret. Il reste que la luminosité du fond traverse les couleurs et nous éblouit la lumière va de pair avec la légèreté voulue dans les détails qui suggèrent le mouvement : l'air Soufflé par les Vents traverse la toile, les roses volettent, les vagues s'agitent, les cheveux s'enroulent et flottent au vent, la robe de la Grâce qui s'avance se gonfle et le drap qu'elle lend vers Vénus ondoie. Maître, je lis dans votre tableau, avant Ioule chose, la légèreté de l'instant comme une métaphore de la beauté. En créant le mouvement, vous nous avez invités à participer à la scène, au milieu d'un tableau vivant.[...] C'est un travail d'orfèvre ou de graveur. Je comprends que seul l'effet vous intéresse, non la technique académique. Maître, vous êtes le premier « moderne » !"
Alors certes il pose également plus de questions, dix huit pour être précis,
qu'il n'apporte de réponses mais comme le dit si bien
Jean Lovera :
"J'aime, pour ma part, les belles histoires réelles ou imaginaires qui se nouent autour des peintures. Elles agissent comme les cadres virtuels des tableaux ; elles en sont les prolongements oniriques.
Une fois libérés des exégèses, nous pouvons jouir des images, avec un plaisir d'enfant. Tout juste accepter quelques didascalies qui éclairent les zones par trop obscures."
"Botticelli nous a donné à imaginer. Sans le vouloir, la matière à doutes qu'il a créée s'est muée en matière a rêves."
Et nous continuerons à rêver devant vos oeuvres, pour peu que l'on prenne le temps, que l'on se donne le temps de les voir au lieu de les regarder....