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Citation de Woland


[...] ... Le jeu des acteurs de kabuki n'était pas plus réaliste que les visages de l'estampe. Ils ne reproduisaient pas les sentiments : ils les donnaient à voir avec exagération, en utilisant des codes lourdement surjoués : roulements d'yeux, torsions des mains, mimiques grimaçantes et postures théâtrales tenues comme des arrêts sur image. Les illustrateurs de romans populaires faisaient volontiers de même, tout comme aujourd'hui le manga. Cela décontenance parfois en Occident, où notre "bon goût" trouve grotesques les bouches qui fendent la moitié du visage sur des rires gigantesques, les yeux sortant littéralement de la tête, les larmes jaillissant comme des fontaines ou les jambes qui s'entortillent en écheveau pour signifier la gêne. Cette manière extrême de peindre les sentiments peut provoquer chez les lecteurs non accoutumés un certain agacement, voire une véritable gêne ; ce malaise a certainement contribué à l'échec des premières tentatives pour traduire en Occident Gen d'Hiroshima - la célébrissime série de Keiji Nakazaxa qui use sans modération de ces outrances codées pour traiter des horreurs du bombardement atomique. (...)

Les intrigues du kabuki ressemblaient à celles de notre Grand-Guignol : très longues, infiniment complexes et ponctuées de rebondissements abracadabrants. L'action était dramatique, violente et volontiers gore ; on mourait beaucoup sur scène, dans de longues agonies et des flots de larmes. Le public aimait aussi que les auteurs assaisonnent leurs intrigues d'une dose de surnaturel et de quelque revenant défiguré et vengeur. Les scénarios étaient tirés de l'Histoire, avec une préférence marquée pour les héros qui finissent mal, et des faits divers dramatiques de l'actualité d'Edo, avec une prédilection pour les doubles suicides amoureux, produits d'une société cloisonnée en castes qui interdisait rigoureusement les unions mixtes. Cet héritage se retrouve lui aussi dans le manga, qui se distingue de notre BD et des comics américains par la complexité de scénarios qui peuvent se dérouler sur des milliers de pages, et par une plus forte dramatisation : on meurt, et parfois fort brutalement, jusque dans les séries destinées au 10-12 ans, à commencer par la plus célèbre de toutes, Astroboy, du "dieu" Tezuka, qui a bercé toute une génération de petits Japonais. ... [...]
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