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Citation de Woland


[...] ... La culture populaire japonaise, baignée de fantastique, trouve désormais un écho planétaire dont témoigne son succès à l'exportation. Car c'est toute la jeunesse du monde qui éprouve aujourd'hui le besoin de ré-enchanter un univers auquel le culte de la croissance économique et de la consommation n'a pas suffi à donner un sens après la mort de Dieu et celle des grandes utopies. Le techno-animisme y pourvoit à sa manière, en disséminant les esprits divins dans toutes les catégories d'où la pensée moderne classificatrice les avait chassés, comme l'a montré Anne Allison. ( 1 ) Cette saveur fantaisiste et fantastique, ajoutée à l'expérience dramatique de l'Histoire japonaise, confère au manga une saveur à nulle autre pareille et sa vision, à la fois pré- et post-moderne du monde lui permet d'épouser au mieux le changement des mentalités dans le monde contemporain.

Bien d'autres facteurs contribuent à l'attrait que la bande dessinée japonaise exerce à l'étranger, à commencer par un rapport qualité-prix inégalé et une offre qui cible des clientèles que notre BD et les comics ont laissée en déshérence, à commencer par le lectorat féminin. Tirage en noir et blanc aidant, le prix de revient du manga est extrêmement compétitif. En France, la plupart des mangas pour adolescents coûtent sept à huit euros pour 250 pages ou davantage quand il faut le plus souvent en payer entre 10 et 15 pour un album de BD qui compte au mieux 64 pages. Une page de manga coûte ainsi en moyenne huit fois moins cher à l'amateur qu'une planche de notre 9ème Art. En outre, l'industrie du manga écrase la concurrence par la masse de sa production qui représente huit à neuf fois celle de la BD française et des comics américains réunis, et dispose d'un énorme stock accumulé depuis plus de soixante ans. Beaucoup de séries sont assez longues pour alimenter le marché pendant plus de dix ans, au rythme d'un volume tous les trois mois. Ce rythme lui-même nourrit une véritable accoutumance que les albums de BD, distillés au compte-gouttes, n'engendrent pas, d'autant plus que chaque volume de manga se termine sur un sommet de suspense. Un auteur de BD ne peut pas se le permettre : sachant que son prochain album ne paraîtra pas avant un an (au mieux), il doit boucler dans ses soixante pages une histoire à peu près complète même si elle n'est qu'un épisode d'une longue saga. En donner beaucoup à bon marché au consommateur, avec une sauce très relevée en émotions, en burlesque, en fantastique et en action, et toujours stimuler son appétit : telle est la première recette du succès du manga auprès des jeunes.


( 1 ) : [i]Millenial Monsters - Japanese Toys & The Global Imagination - University of California Press - 2006...[/i] [...]
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