Dans cette fiction romanesque parue en 2007, Jean-Marie Goreau aborde sans pédanterie une question qui revient périodiquement sur le devant de la scène médiatique : la réintroduction d'animaux sauvages dans des territoires où ils avaient été éradiqués par l'Homme car réputés nuisibles, notamment aux yeux des éleveurs, considérant que ces territoires peu "valorisés" leur appartiennent au même titre que les moutons ou les vaches qui y paissent. Ours, lynx, loup sont le sujet d'âpres conflits dans lesquels s'immiscent, du côté des détracteurs, la véhémence, la rumeur, l'angoisse immémoriale.
Le "fou" (on ne peut plus raisonnable en réalité), c'est Jérôme, un jeune biologiste. Il a lâché clandestinement dans la campagne charentaise trois loups, deux mâles et une femelle, qu'il avait "adoptés" tout bébés en Espagne et nourris, sans pour autant en faire des animaux de compagnie. Peu à peu, on s'en doute, son secret sera éventé, et d'abord révélé par lui à des personnes de confiance : Jean-Jules, un vieux paysan pittoresque, Sylvie, la fille du châtelain local, dont il s'éprend (et inversement)... Peu de monde, à vrai dire, des gens discrets face aux voix tonitruantes des partisans de la battue exterminatrice. L'idée, cependant, d'un rééquilibrage du peuplement animal des zones rurales fera peut-être son chemin dans les esprits.
L'écriture de l'auteur est souvent lyrique, tout en ménageant des pauses où un style plus sec, quasi télégraphique, permet de faire retomber la pression émotionnelle. Les dialogues sonnent juste, usant d'expressions vernaculaires vigoureusement imagées.
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La tourbière, il en est surtout question au début du roman : l'auteur y décrit avec précision la récolte de la tourbe, à la fin des années 1930, dans une minuscule zone située aux confins de la Charente et de la Dordogne, production accessoire à la polyculture traditionnelle qui s'y pratique. En fait, cette entrée en matière pédagogique nous permet de faire la connaissance de François, vingt ans à peine à ce moment-là, l'un des plus beaux garçons de la contrée, objet des œillades énamourées de bien des filles et même de quelques femmes mariées. Mais fonder une famille et même marivauder ne sont pas les soucis premiers de François, propulsé chef de famille après l'accident agricole qui a sévèrement handicapé son père. Certes, avec Nadia, ils ont échangé leurs premiers baisers mais rien de plus. Son ami Robert, coureur de jupons invétéré au contraire, lui annonce pourtant qu'il va épouser Cécilie, récemment revenue au pays après quelques années passées à Bordeaux. Lors du mariage, il suffit d'un seul regard échangé pour foudroyer François et Cécilie. comment vont-ils éteindre ce feu qui s'est allumé en eux ?
Le roman répond à la question, bien sûr, mais au-delà de la peinture des tourments endurés par les deux jeunes gens, que les circonstances ne vont pas contribuer à adoucir, le livre vaut par le tableau, quelquefois un peu didactique, du monde paysan charentais juste avant, pendant et peu après la Seconde Guerre mondiale. L'écriture en est extrêmement classique, sans fioritures bien que souvent empreinte de la poésie que les paysages évoqués inspirent tout naturellement.
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