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Au retour de Québec, en marchant vers le bureau que nous occupions temporairement rue Saint-Alexandre, j’aperçois au dernier étage de l’édifice les fenêtres plein cintre si caractéristiques des compositions photographiques de Room 901. Je travaillais dans l’édifice où l’artiste avait réalisé son projet trente ans plus tôt. Je décide de poursuivre mes investigations et me plonge alors dans son univers esthétique constitué d’un corpus important d’oeuvres utilisant des médiums aussi variés que la photographie, la peinture, la sculpture, le musée et l’installation. Je comprends assez rapidement que Room 901, bien que peu connu, appartient à cette catégorie de production qui s’offre comme la synthèse formelle et conceptuelle des oeuvres à venir. L’atelier de la rue Saint-Alexandre, vidé de son contenu, représentera de 1980 à 1982 un espace qui limite, enferme, isole, protège et, en ce sens, il jouera un rôle comparable aux boîtiers, aux vitrines et aux musées qui deviendront les composantes élémentaires du vocabulaire esthétique de l’artiste. Il représente non seulement le support d’une production prolifique mais un lieu de retraite qui, pour un certain temps, aura permis à Irene F. Whittome de se retirer pour se vouer, exclusivement à cette activité laborieuse qui était alors sans finalité précise.
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En 1980, le travail d’Irene F. Whittome fait l’objet d’une rétrospective au Musée des beaux-arts de Montréal, puis l’exposition circule ensuite à travers le Canada. Au cours de la même année, l’artiste décide de contourner l’injonction de productivité qui accompagne la consécration institutionnelle. Elle s’isole dans son atelier situé à l’angle des rues Saint-Alexandre et de La Gauchetière pour faire le point et ses gestes semblent d’abord s’enchaîner en pure perte. Dans une portion du local 901, elle dispose sur les murs et au sol un nombre réduit d’objets – une croix grecque noire et une bâche enduite de pigments blancs. Quotidiennement, l’artiste repeint les murs et reconfigure ces signifiants picturaux. Whittome prend également plus de 1500 photographies qui rendent compte de ces permutations et captent les variations lumineuses dans la pièce. Elle est absente des clichés, bien que les traces sur les pigments ramènent ponctuellement sa présence. La croix et la bâche offrent un point d’achoppement de la vision dans l’instant et les images certifient (pour elle-même, à cette étape) le passage du temps