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Citation de Lilou08


Un chanteur bien connu pour ses inclinaisons souverainistes s’empara d’un micro et annonça simplement :
— Mesdames et Messieurs, le premier ministre du Québec, M. Georges Normandeau !
La foule réagit immédiatement, dans les deux villes. Une incroyable ovation s’éleva, tonitruante, qui déferla jusqu’à la scène, alors que Normandeau s’avançait, un micro à la main. Depuis la mort de Philippe Martin, l’année précédente, sa cote de popularité n’avait fait que grimper, à en crever le plafond. Aucun politicien n’avait soulevé une telle passion chez les Québécois depuis René Lévesque.
L’ovation dura dix bonnes minutes, au point où le premier ministre lui-même en parut surpris. Il jeta un coup d’œil derrière lui, comme pour s’assurer qu’il était bien l’objet d’un tel enthousiasme. Il avança vers le devant de la scène, ému jusqu’aux larmes et balança d’entrée de jeu :
— Mes amis, bonne fête NATIONALE !
La foule rugit son contentement et s’agita encore plus, devant l’emphase qu’il avait donnée au dernier mot.
— Vous ne le saviez peut-être pas en venant ici ce soir, mais vous n’oublierez jamais cette soirée… Dans vingt ans, vos enfants vous demanderont avec admiration de leur raconter la Saint-Jean-Baptiste de 2014 !
La foule l’acclama si fort qu’il dut s’interrompre une fois de plus. Quand les clameurs se calmèrent un peu, il continua d’un air plus grave :
— Ici même s’est joué le drame de notre patrie, je ne vous l’apprendrai pas. Vous rendez-vous compte de tout ce qu’on a perdu, sur ce maudit kilomètre de gazon ? Quelle langue parlerait l’Amérique entière si Montcalm s’était tenu debout, hein ? Quelle langue parlerions-nous si les Anglais avaient joué franc jeu, hein ?
— Le FRANÇAIS ! hurlèrent plus de deux millions de personnes à travers la province.
— Moi, Georges Normandeau, je dis que si ce combat avait eu lieu ce soir, on leur aurait botté le cul ! fit le premier ministre en donnant énergiquement des coups de pied de sa jambe droite.
On entendit la réaction de la foule jusqu’à Sainte-Foy.
(…)
— Qu’on le veuille ou non, la province de Québec n’est pas à mettre dans le même sac que le reste du Canada. Nous n’avons pas les mêmes lois et pas du tout le même système éducationnel. Nos intérêts divergent en matière d’économie et de politique étrangère. On ne parle même pas la même langue, calvaire !
Un tonnerre d’applaudissements salua cette remarque, clairement improvisée.
— Il soutient les États-Unis alors que notre gouvernement désapprouve la plupart des partenariats qu’il signe avec eux. Nous ne sommes consultés sur aucun problème important. Autant le dire franchement : à ses yeux, nous sommes des parias, à peine dignes de fouler le sol pour lequel nos ancêtres sont morts écrasés sous le nombre. Ça fait un moment que nous ruminons tous les affronts endurés depuis des années. Pour beaucoup d’entre nous, ça fait même un sacré bout de temps…
Il fit une pose durant quelques secondes, puis offrit à la foule un visage décidé.
— Tout le monde se souviendra de la Saint-Jean-Baptiste de cette année comme du moment où les Québécois ont dit : ASSEZ !
La foule était gonflée à bloc, de même que tous ceux qui regardaient le premier ministre à la télévision. Le moment était venu d’asséner le coup de grâce :
— Le 14 juillet, dans exactement trois semaines, se tiendra un référendum sur la souveraineté du Québec ! Vous vous lèverez ce matin-là en vous rappelant tout ce dont nous avons parlé ce soir. Vous vous rappellerez dans quel genre d’environnement vous souhaitiez vivre avant d’abandonner vos ambitions. Vous déciderez, ce jour-là, de ce que vous souhaitez léguer comme héritage à vos enfants. Vous réfléchirez, si vous êtes de ma génération, à la façon dont vous voulez vivre le reste de votre vie ! Vous irez aux urnes et vous vous coucherez ce soir-là en sachant que vous avez fait la différence, que vous avez contribué à la naissance d’un PAYS !
La foule demeura muette de stupeur durant un instant, puis ce fut le délire.
Le délire total.
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