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4/5 (sur 6 notes)

Nationalité : Canada
Né(e) : 1978
Biographie :

Jean-Michel David a étudié en théâtre et a longtemps travaillé en santé mentale à l’hôpital Notre-Dame avant de se consacrer à temps plein à l’écriture.

Il fait une entrée remarquée dans la littérature québécoise avec le thriller politique "Voir Québec et mourir" (2012), qui lui vaudra son premier prix littéraire.

Il est également scénariste, humoriste, conférencier, acteur.

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Bibliographie de Jean-Michel David (II)   (2)Voir plus

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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Un chanteur bien connu pour ses inclinaisons souverainistes s’empara d’un micro et annonça simplement :
— Mesdames et Messieurs, le premier ministre du Québec, M. Georges Normandeau !
La foule réagit immédiatement, dans les deux villes. Une incroyable ovation s’éleva, tonitruante, qui déferla jusqu’à la scène, alors que Normandeau s’avançait, un micro à la main. Depuis la mort de Philippe Martin, l’année précédente, sa cote de popularité n’avait fait que grimper, à en crever le plafond. Aucun politicien n’avait soulevé une telle passion chez les Québécois depuis René Lévesque.
L’ovation dura dix bonnes minutes, au point où le premier ministre lui-même en parut surpris. Il jeta un coup d’œil derrière lui, comme pour s’assurer qu’il était bien l’objet d’un tel enthousiasme. Il avança vers le devant de la scène, ému jusqu’aux larmes et balança d’entrée de jeu :
— Mes amis, bonne fête NATIONALE !
La foule rugit son contentement et s’agita encore plus, devant l’emphase qu’il avait donnée au dernier mot.
— Vous ne le saviez peut-être pas en venant ici ce soir, mais vous n’oublierez jamais cette soirée… Dans vingt ans, vos enfants vous demanderont avec admiration de leur raconter la Saint-Jean-Baptiste de 2014 !
La foule l’acclama si fort qu’il dut s’interrompre une fois de plus. Quand les clameurs se calmèrent un peu, il continua d’un air plus grave :
— Ici même s’est joué le drame de notre patrie, je ne vous l’apprendrai pas. Vous rendez-vous compte de tout ce qu’on a perdu, sur ce maudit kilomètre de gazon ? Quelle langue parlerait l’Amérique entière si Montcalm s’était tenu debout, hein ? Quelle langue parlerions-nous si les Anglais avaient joué franc jeu, hein ?
— Le FRANÇAIS ! hurlèrent plus de deux millions de personnes à travers la province.
— Moi, Georges Normandeau, je dis que si ce combat avait eu lieu ce soir, on leur aurait botté le cul ! fit le premier ministre en donnant énergiquement des coups de pied de sa jambe droite.
On entendit la réaction de la foule jusqu’à Sainte-Foy.
(…)
— Qu’on le veuille ou non, la province de Québec n’est pas à mettre dans le même sac que le reste du Canada. Nous n’avons pas les mêmes lois et pas du tout le même système éducationnel. Nos intérêts divergent en matière d’économie et de politique étrangère. On ne parle même pas la même langue, calvaire !
Un tonnerre d’applaudissements salua cette remarque, clairement improvisée.
— Il soutient les États-Unis alors que notre gouvernement désapprouve la plupart des partenariats qu’il signe avec eux. Nous ne sommes consultés sur aucun problème important. Autant le dire franchement : à ses yeux, nous sommes des parias, à peine dignes de fouler le sol pour lequel nos ancêtres sont morts écrasés sous le nombre. Ça fait un moment que nous ruminons tous les affronts endurés depuis des années. Pour beaucoup d’entre nous, ça fait même un sacré bout de temps…
Il fit une pose durant quelques secondes, puis offrit à la foule un visage décidé.
— Tout le monde se souviendra de la Saint-Jean-Baptiste de cette année comme du moment où les Québécois ont dit : ASSEZ !
La foule était gonflée à bloc, de même que tous ceux qui regardaient le premier ministre à la télévision. Le moment était venu d’asséner le coup de grâce :
— Le 14 juillet, dans exactement trois semaines, se tiendra un référendum sur la souveraineté du Québec ! Vous vous lèverez ce matin-là en vous rappelant tout ce dont nous avons parlé ce soir. Vous vous rappellerez dans quel genre d’environnement vous souhaitiez vivre avant d’abandonner vos ambitions. Vous déciderez, ce jour-là, de ce que vous souhaitez léguer comme héritage à vos enfants. Vous réfléchirez, si vous êtes de ma génération, à la façon dont vous voulez vivre le reste de votre vie ! Vous irez aux urnes et vous vous coucherez ce soir-là en sachant que vous avez fait la différence, que vous avez contribué à la naissance d’un PAYS !
La foule demeura muette de stupeur durant un instant, puis ce fut le délire.
Le délire total.
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Il était temps de changer de branche, mais si ce que lui avait dit Trudeau était vrai, ce n’était pas encore pour demain. Tout cela ne pouvait signifier qu’une chose : Jonathan Roof était fou à lier ! Il pensa brièvement parler de tout ça en ondes, à la fin de la soirée, mais sur quelles preuves pourrait-il s’appuyer pour annoncer une telle énormité, une histoire qu’il n’était pas encore sûr de croire lui-même ? Mieux valait laisser couler pour l’instant. Un détail lui revenait sans cesse à l’esprit quand il le laissait vagabonder. Qui donc le premier ministre comptait-il accuser des événements déclencheurs de son plan si le Québec obtenait l’indépendance ?

Une question dont le Conseil de Westmount n’aurait sans doute pas apprécié de connaître la réponse…
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Quand l’un de ses gardes du corps vint s’assurer que tout allait bien, Normandeau lui ordonna de réunir toute son équipe, qui comprenait aussi la garde rapprochée du vice-premier ministre, et de la ramener deux heures plus tard.
— Mais monsieur, répondit l’agent de la GRC, plusieurs sont en congé, et l’équipe de jour est probablement en train de dormir…
Les yeux de Normandeau s’ouvrirent encore plus grand.
Il réveilla sa femme, qui dormait deux étages plus haut, en hurlant :
— Est ce que j’ai l’air de dormir, moi, ciboire ? Est-ce que j’ai une tête à être en congé ? Je vous enverrai chercher personnellement par la peau du cul tous ceux qui ne seront pas dans ce bureau dans deux heures ! Est-ce que je me fais bien comprendre, maudit insignifiant ?
— Oui, monsieur.
Alors que l’agent sortait, Georges Normandeau revint s’asseoir devant Taylor qui avait suivi la scène avec intérêt.
Ce dernier haussa un sourcil en guise d’interrogation.
Normandeau, après une minute de silence, demanda finalement :
— Pourquoi vous, M. Taylor ? Pourquoi l’homme le plus puissant du pays après John Roof risque-t-il sa situation, sans parler de sa vie, pour venir me prévenir ? Je n’ai pas besoin de vous expliquer ce que Roof vous réservera s’il apprend que vous êtes allé chez l’ennemi pour éventer son plan.
— C’est le Québec que je suis venu prévenir, M. Normandeau, et John Roof apprendra nécessairement que je suis derrière tout cela. Ce serait bien qu’il ne l’apprenne pas avant le vote, remarquez, mais même là-dessus, je n’ai pas trop d’espoir. Tellement de gens à la langue bien pendue ont besoin d’argent de nos jours, et j’en ai déjà peut-être croisé une demi-douzaine en venant ici ce soir. Je ne saurais trop vous conseiller de restreindre votre cercle de confidents, en attendant le résultat du référendum.
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Paul Fiersen s’était toujours considéré comme quelqu’un de calme et de foncièrement bon. Son travail de médecin lui avait aussi enseigné la patience, mais celle-ci était mise à rude épreuve un peu plus chaque jour depuis la Saint-Jean-Baptiste. Paul était anglophone mais parlait le français d’une façon respectable quand il y était obligé, surtout pour un homme qui ne tenait pas la population francophone en haute estime. Depuis plusieurs années, il avait de plus en plus de difficulté à se voir accusé, tout comme ses congénères, de tous les maux de la Terre uniquement parce qu’il parlait l’une des plus belles langues utilisées à sa surface.
Quand il voyageait dans le vaste monde, on le prenait partout pour un Américain et on le traitait sans le moindre respect. Quand il visitait la France, il passait pour un Anglais et ne recevait pas meilleur accueil. Quand, enfin, il revenait à Montréal, on le cataloguait comme traître, uniquement parce qu’il s’exprimait dans la langue de Shakespeare.
Quand la question de la langue revenait sur le tapis, il s’égosillait à expliquer qu’il était Canadien, merde ! comme tous les habitants de cette damnée province et que l’anglais était la langue de son pays, aux dernières nouvelles. Aussi bien tenter la quadrature du cercle.

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Il est important, bien sûr, de manifester notre fierté d’être Québécois, et francophones, en ce moment. Par contre, il ne faudrait pas que cela s’éteigne, que l’on gagne ou non. Dans le meilleur des cas, nous mettrons au monde un pays, mais toutes les mères ici présentes peuvent vous dire que pour en arriver à la félicité du nouveau-né, il faut passer par d’effroyables souffrances. Notre effort en tant que nation ne se terminera pas lorsque Mathieu Sinclair annoncera aux nouvelles que le Québec a acquis sa souveraineté. C’est au contraire à ce moment-là que le véritable travail commencera.
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La non-violence des manifestations qui s’étendaient comme des feux de broussaille ne le trompait nullement. Pour une question de cette importance, les sangs s’échaufferaient bien assez vite, et il ne ferait pas bon d’être anglophone et fédéraliste à ce moment-là. Il n’avait pas encore peur, mais l’inquiétude le gagnait rapidement et le moment viendrait où il lui faudrait certainement mettre les siens à l’abri. Comme policier, il savait que la foule est imprévisible et qu’il suffit d’une étincelle pour mettre en branle le pouvoir destructeur de la dynamite.
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Bien que les assassinats n’aient guère représenté qu’un dixième de leurs fonctions, ils étaient parfois absolument essentiels. Curtis Taylor avait déjà tué lorsqu’il prit la direction de l’agence, mais lorsqu’il le fit par la suite, ce fut toujours en état de légitime défense. Bien que la sachant nécessaire, Taylor n’aimait pas la violence, ce qui ne l’empêcha pas, les premiers temps, de se charger lui-même de missions délicates, s’attirant ainsi le respect de ses hommes.
Lorsqu’un de ses agents se fit descendre devant lui par un salopard qu’il avait mal fouillé, Curtis réalisa le tort qu’il ferait subir au SG4 s’il était mis hors jeu, et cessa pour un temps d’aller sur le terrain. Martel se révéla un auxiliaire d’une dévotion à toute épreuve. Brutal à souhait, il n’avait toutefois pas été choisi par Taylor pour cette raison. C’était un monte-en-l’air de grand talent, et il était souvent utilisé pour récupérer des documents dans les bureaux de divers organismes gouvernementaux sur lesquels Taylor manquait cruellement de mainmise. Curtis était d’avis qu’une bonne information valait toutes les armes du monde.
En quinze ans, il avait parfois exécuté certaines tâches de mauvaise grâce, même s’il en reconnaissait la nécessité.
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La première semaine de juillet vit l’avance des indépendantistes fondre comme neige au soleil, au point où John Roof lui-même commençait à se demander s’ils s’étaient tous démenés ainsi en vain. À la question : Souhaitez-vous que le Québec soit considéré comme souverain, qu’il soit dégagé de toute obligation envers le Canada et qu’il acquière de ce fait les droits inhérents à l’état de nation ?
Cinquante et un pour cent de l’échantillonnage appelé répondit oui. Les libéraux exposèrent cette baisse des intentions du vote souverainiste comme une grande victoire morale, ce à quoi Normandeau répondit, avec son tact habituel :
— Si un troupeau de vaches devait être massacré, John Roof soutiendrait que c’est un grand pas vers l’amélioration de la couche d’ozone, puisqu’elles ne pèteront plus.
Des seize lecteurs de nouvelles qui rapportèrent la réplique en ondes, trois seulement réussirent à garder leur sérieux. Ces mêmes présentateurs rapportèrent aussi que l’activité des manifestants s’était nettement organisée au cours de la semaine.

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Il y a de fortes chances, messieurs, que les Québécois obtiennent leur indépendance dans un peu moins de trois semaines… Vous imaginez le bordel administratif dans lequel ils vont nous jeter ? Vous rendez-vous compte que si on entre là-dedans, on ne fera plus rien d’autre de tout notre mandat, sans parler du prochain ? Les hosties d’habitants !
Maudite province de marde !
Nul n’eut l’impertinence de faire remarquer au premier ministre qu’il était lui-même originaire de cette province.
— Partons du principe qu’ils y parviennent. Pourrons-nous simplement les laisser faire ? Dire adieu aux sept millions d’habitants du Québec et à leurs revenus, tout bonnement ? Sincèrement, messieurs, je ne crois pas…
Le silence se fit autour de la table de conférence, alors que Jonathan Roof répétait à voix basse :
— Non. Vraiment pas…

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Qu’on le veuille ou non, la province de Québec n’est pas à mettre dans le même sac que le reste du Canada. Nous n’avons pas les mêmes lois et pas du tout le même système éducationnel. Nos intérêts divergent en matière d’économie et de politique étrangère. On ne parle même pas la même langue, calvaire !
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