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Citation de jacqueslison


Jean-Michel Déprats
Shakespeare est avant tout un « fournisseur » : il ne communique pas un point de vue ; il crée une matière dramatique vivante, se contentant du rôle de témoin. Comme le dit Brecht : « Shakespeare, lui, n’a pas besoin de penser. Et pas davantage de construire. Chez lui, c’est le spectateur qui construit. Shakespeare ne trousse pas, au deuxième acte, le cours d’une destinée humaine pour rendre un cinquième acte possible. Tout chez lui connaît une fin naturelle11. »
Chez Shakespeare, rien n’est conceptualisé : ses drames mettent en scène le monde réel avec toutes ses contradictions. Les faits et les comportements ne s’ordonnent pas selon des idées préconçues. L’idée n’a pas encore maîtrisé la matière : celle-ci se développe de façon luxuriante, dans tous les sens, en un désordre naturel. Le public peut participer aux grandes discussions ; l’écrivain de théâtre donne et provoque des idées, il ne nous fait pas prendre le tout pour l’incarnation de ses propres idées. Nous voilà contraints (ou à même) d’entrer dans le jeu des événements qui se produisent entre ses personnages et d’en déduire des opinions, sans être obligés de les faire nôtres.
En somme, l’extraordinaire richesse des pièces de Shakespeare découle de la multiplicité de données contradictoires, de la pluralité des mobiles qui font le drame, la personnalité de l’auteur s’effaçant ou se résolvant entièrement dans cet objet qu’est le poème dramatique. Si cette multiplicité contradictoire est stimulante pour la réflexion critique du spectateur, elle frappe de nullité toute tentative de cerner, sinon un point de vue de l’auteur, du moins un discours de l’œuvre. Il n’y en a pas en soi, indépendant de celui que ses lecteurs, ses commentateurs ou ses interprètes veulent lui faire tenir en réponse aux questions qu’ils se posent.
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