Jean-Patrick Beaufreton

J’aime les phrases-titres, les titres injonctifs… ici, déjà le titre est une invitation, tirée de Jane Eyre de Charlotte Brontë, nous dit l’auteur dans son préambule. Ce recueil rassemble dix « nouvelles qui parlent de vagabondage, d’errance et de mobilité » … Me voilà intriguée et ravie d’accepter le service de presse que me propose Jean-Patrick Beaufreton que je remercie pour sa confiance.



L’auteur aborde des thèmes divers, vécus de l’intérieur, à l’aune de la vie et des expériences de chacun, évènements graves à la limite de l’indicible, simples anecdotes ou légendes fabuleuses ; il nous rappelle des époques écoulées où les gens modestes allaient à pieds sur les routes pour se déplacer d’un village à un autre et jusqu’aux grandes villes ; il évoque les fuites et les chemins d’exil au cours de l’histoire. Il nous place aussi devant les contradictions humaines entre ouverture d’esprit, solidarité et bonne conscience, explications rationnelles et fantastiques, bon sens et réalités socio-économiques.

Ainsi, les guerres de religion en France au XVIème siècle, les guerres syriennes contemporaines, les horreurs des parcours des exilés et des migrants s’intercalent avec les itinéraires planifiés de randonneurs chevronnés ou débutants et d’un photographe animalier ; la mort d’un routard SDF côtoie celle d’un ivrogne qui croyait au diable ; l’errance a lieu dans l’espace mais aussi dans le temps notamment pour d’anciens forains itinérants ou un vieux paysan qui vivent dans la nostalgie d’un passé révolu où tout était plus simple ; la marche se veut parfois pèlerinage pour conjurer le sort ou joyeuse procession villageoise, marche en cortège pour les grandes occasions ; elle peut aussi se faire départs pour l’armée ou la guerre, marches forcées pour éprouver et entrainer les soldats que la mort guette ; parfois, un marcheur peut quitter le groupe, se perdre, faire une mauvaise rencontre ou bien la météo peut brusquement changer, les éléments se déchaînant et mettant en péril les imprudents.

Cette énumération dit la richesse et la variété de ce recueil, ensemble de récits réunis autour du thème du déplacement, de la marche à pied le plus souvent. Certaines péripéties sont plus développées tandis que d’autres sont à peine suggérées, autant de clés de lecture et de réflexion.



Le récit de voyage obéit généralement à certaines règles et doit rendre compte d’impressions, de rencontres, de choses vues et entendues ; ce type de roman est basé soit sur des faits réellement vécus au cours de l’exploration ou de la découverte d’un territoire ou d’une société, soit sur des sources d’inspiration imaginaires. Même si ce livre pourrait être lu comme une suite de récits proches de ce genre littéraire, les nouvelles de Jean Patrick Beaufreton s’en rapprochent et s’en éloignent à la fois, à la frontière d’un effet de réel et d’un imaginaire qui sont sans doute sa marque.

L’écriture est parfois à la première personne, introspective même dans le cas d’un narrateur omniscient ; les personnages des nouvelles se racontent et se livrent à travers leurs mots et leurs pérégrinations ; le voyage et la marche vont de pair avec l’acte d’écrire. Il y a souvent une quête, un cheminement personnel, quelque chose à se prouver dans ces scènes mobiles. Et surtout, ainsi que l’annonçait le titre, il y a toujours une rencontre au bout du chemin, quelquefois, celle du lecteur avec lui-même.



J’ai pris mon temps pour lire ce recueil, d’abord pourtant facile à première vue. Lu trop vite, ce livre peut ne pas trouver son lectorat… Chaque nouvelle est une marche et les marcheurs savent qu’il faut faire halte et se reposer pour continuer la route dans de bonnes conditions.

Ce recueil s’adresse à des lecteurs avertis et réceptifs. Pour ma part, cette déambulation m’a plu.