Jean-Paul Lacroix

Paru en mai 1954 chez Calmann-Lévy, dans la collection « Labiche », « Le gangster aux étoiles » est un roman noir écrit par un certain Jean-Paul Lacroix. Cet auteur m'était inconnu, mais mon choix de lecture a probablement été guidé par la couverture, assez cocasse, de Jacques Faizant. Je m'attendais à un thriller un peu particulier, Albert Simonin, qui signe la préface du livre, ne dit-il pas de l'auteur qu'il est le dernier poète du milieu ? Bon, autant vous dire que l'ouvrage -qui se lit facilement- ne « casse pas trois pattes à un canard ».



L'histoire tient plus du clin d'oeil que de l'enquête approfondie -avec suspense et tension insoutenable- sur un dossier difficile. Certes, il y a des meurtres mais vous n'aurez pas de problème pour identifier le coupable qui n'est autre que notre gangster aux étoiles, François -que son père appelle Frankie comme s'il était le digne héritier d'un prince du milieu-, fils unique et héritier de Fiérot le Pou. Comment vous dire, François ne veut pas succéder à son père : il veut être poète ou instituteur à la campagne, voilà ! Fiérot le Pou, qui est un vrai capitaine d'industrie, ex-troisième couteau de la Bande Velpot (une bande qui comptait nombre d'ouvriers zingueurs et d'employés des contributions directes et indirectes, et qui pratiquait le vol de cageot d'asperges et accessoirement le recel de plans de fraisiers), actuellement patron du GVAAT (Gang des Tractions à Vent), est un dur, jugez plutôt : 1 m 53 et chétif, il pèse 5 milliards (de francs) de chiffres d'affaires annuel et fait partie du Comité de Direction du GVAAT. Les cas difficiles, ça le connait, alors il ne désespère pas de « récupérer » son fils, c'est à dire de lui faire prendre le bon chemin, entendez celui du milieu. Et pour ça, il va le confier à un des membres du Comité de Direction du GVAAT afin qu'il donne à son fiston une mission qui lui fasse prendre le goût du métier. Manque de pot, François liquide le caïd ! Qu'à cela ne tienne, le père confie le chérubin à un autre membre du Comité de Direction, en lui recommandant toutefois de ne pas trop esquinter son fiston. Manque de pot, François estourbie le bonhomme. Et, ainsi de suite, jusqu'à ce que ... je n'en dis pas plus !



Beaucoup d'humour, plein de sourires, des jeux de mots comme s'il en pleuvait, des personnages amusants et bien croqués (outre le père et le fils, il y a Albert, chauffeur obnubilé par l'envie d'écraser les agents de la circulation, puis Léa, la secrétaire du boss, Fleur, la femme du boss, la cinquantaine, toute en « courbes et plénitude », Li-Fan-Tan, japonais pervers puisqu'il arrive à se faire passer auprès de tous pour un vrai chinois, Bug de Wolf, un loup parmi les loups, Vicka, mercenaire lituanien ne connaissant que cinq mots d'américain, Babs Durand de Nevers, une riche héritière pour laquelle il faudra verser une rançon, Lafe, Orsi et quelques autres dont l'inoubliable Lil Wagner, la « Panthère blonde de Broadway »), trois doigts de pastiche, deux pincées de morale gentillette et un petit zeste de sociologie, voici les ingrédients de la recette que nous livre Jean-Paul Lacroix. Un petit coup de théâtre viendra clore « Le gangster aux étoiles » ...



Que penser du livre ? Qu'il n'y a pas que de mauvais bougres au sein du milieu ? Qu'il n'est pas facile d'organiser sa succession, même quand on est un vrai patron d'industrie ? Qu'il faut se méfier de l'eau qui dort ? Non, il n'y a pas le moindre doute : l'auteur prend le prétexte de cette histoire pour pasticher les grands écrivains « noirs » et les spécialistes du roman policier (qu'il jalousait ?), sans essayer de les blesser, donc tout en douceurs, courtoisie et accessoires. Ce règlement de comptes est plaisant, fortement désuet (4 CV, tractions à vent, TSF, télégrammes, aéroplanes ...) et un peu niais. le livre se lit mais on peut vite l'oublier. Je me force et je mets trois étoiles afin de ne pas m'attirer les foudres de la toute puissante Amicale des Défenseurs de Jean-Paul Lacroix !

Etonnant que ce livre n’est pas plus de lecteurs ! Probablement parce qu’il n’a pas été réédité même en poche. En fait il s’agit d’une anthologie de textes d’humour, illustrés par des dessinateurs de presse, dont, pour ceux dont les noms peuvent encore parler aux lecteurs actuels, Sempé, Siné, Jacques Faisant, Bosc … Les textes sont assez longs pour la plupart et non de simples citations de quelques lignes. Quant aux auteurs, il y en a plus de soixante, certains attendus, d’autres moins. Comme on peut s’y attendre, il y a des textes d’Alphonse Allais, de Guitry, Courteline ou encore Yvon Audouard. Il y a aussi des textes de René de Obadia, d’Alfred Jarry et de Boris Vian (la scène des obsèques de Chloé), mais aussi des auteurs bien moins attendus comme Victor Hugo, La Fontaine, Montesquieu, Maupassant (un extrait du Rosier de Mme Husson), Sartre (deux poèmes) ou Voltaire (un extrait de Candide). Les auteurs anglais ne sont pas oubliés, avec, pour les plus connus E. A. Poe, Jonathan Swift, Mark Twain et F. Brown. Ces textes sont entrecoupés de quelques anecdotes sur des humoristes. Le plus gros reproche que je ferai à cet ouvrage est de ne pas toujours indiqué de quel ouvrage de l’auteur est tiré l’extrait. Ce n’est probablement pas bien dur à retrouver mais c’est quelque peu regrettable, car tout l’intérêt de ce type d’ouvrage est bien de faire connaître des auteurs.

Si je devais noter uniquement l'effort titanesque pour rassembler autant de bons mots, je mettrais sans doute cinq étoiles. Cependant, le fait que certains appartiennent résolument à une époque révolue m'incite à la sévérité.

Le livre a été publié au début des années 80, mais à part

Francis Blanche, Woody Allen ou notre B.B nationale (et donc surtout des acteurs), je n'y vois pratiquement aucune citation des écrivains actuels. Pourtant, lorsqu'on regarde le site Dicocitations, ce n'est pas la matière qui manque, juste le panache qui caractérisait un Guitry. Existe-il un

jeune misogyne capable de sortir une répartie d'un tel calibre "Je suis contre les femmes... tout contre" ? Il est évident que non ! Pourquoi ? Parce qu'on a perdu cette verve, cet à-propos, bref cet humour qui représentait la

finesse et qu'à force de faire du politiquement correct on finira par devenir plus puritains que les Américains eux-mêmes...

L'histoire de la presse tient en peu de noms tant en 1967, elle est encore jeune . La période qui a suivi la Libération consacre le bel âge de la presse quotidienne mais l'essoufflement est sensible. Il faudra attendre l'après mai 68 pour voir se déployer une presse moderne, diversifiée et surtout hebdomadaire.

En attendant, plongeons nous dans les prémisses : de Théophraste Renaudot à Pierre Lazareff, le chemin parcouru n'est pas mince : on "invente" la censure, la publicité, le scoop, le feuilleton, les titres thématiques et de l'information pure on passe aux loisirs, à la mode, aux récits de voyage.

Qui fait quoi ? D'abord il y a des patrons investisseurs qui s'ingénient à faire tourner la boutique, laquelle va s'appuyer d'abord sur de grands noms de la littérature avant de créer l'espèce des journalistes puis des reporters. Enfin, des lecteurs, qui deviennent de plus en plus nombreux avec le faible coût des abonnements et surtout l'alphabétisation croissante.

JP Lacroix ne manque pas d'émailler d'anecdotes très savoureuses le récit historique de la presse en marche. On vole haut, on vole bas, on se donne en duels, on débauche les bonnes plumes, on fait faillite parfois pour mieux rebondir.

La lecture de l'ouvrage reste plaisante. Manquent des illustrations qui éclaireraient pertinemment ce récit. Mais ceci est une autre histoire...