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Citation de isachon42


« Antoine de Saint-Exupéry – 29 Mai 1944 -Extrait de Lettre à un Américain »
Amis d’AMERIQUE, je voudrais vous rendre pleinement justice. Un jour, peut-être, des litiges plus ou moins graves s’élèveront entre vous et nous. Toute nation est égoïste.
Toute nation considère son égoïsme comme sacré. Il se peut que le sentiment de votre puissance matérielle vous fasse prendre aujourd’hui ou demain des avantages qui nous paraîtront nous léser injustement. Il se peut que s’élèvent u jour, entre vous et nous, des discussions plus ou moins graves. Si la guerre est toujours gagnée par les croyants, les traités de paix quelquefois sont dictés par les hommes d’affaires. Eh bien, si même un jour je forme dans mon cœur quelques reproches contre les décisions de ceux-là, ces reproches ne me feront jamais oublier la noblesse des buts de guerre de votre peuple. Sur la qualité de votre substance profonde, je rendrai toujours le même témoignage. Ce n’est pas pour la poursuite d’intérêts matériels que les mères des ETATS-UNIS ont donné leur fils. Ce n’est pas pour la poursuite d’intérêts matériels que ces garçons ont accepté le risque de mort.
Je sais, et je dirai plus tard chez moi, en vue de quelle croisade spirituelle chacun de vous s’est donné à la guerre.
J’ai, parmi d’autres, deux souvenirs à verser comme preuves.
Voici la première.
Au cours de cette traversée en convoi, mêlé comme je l’étais à vos soldats, j’ai été nécessairement le spectateur de la propagande de guerre qui leur était destinée.
Or, toute propagande est un monstre amoral qui, pour être efficace, fait appel à n’importe quel sentiment noble, vulgaire ou bas. Si vos soldats étaient partis en guerre pour la seule défense des intérêts américains, la propagande eût avant tout insisté chaque jour sur vos puits de pétrole, vos plantations de caoutchouc, vos marchés commerciaux menacés.
Or c’est à peine si elle effleurait de tels sujets. S’il était parlé d’autre chose, c’est que les garçons de chez vous désiraient entendre autre chose. Et que leur disait-on qui pût motiver à leurs propres yeux le sacrifice de leur vie ? On leur parlait des otages pendus de POLOGNE. On leur parlait des otages fusillés de FRANCE. On leur racontait quelle nouvelle forme d’esclavage menaçait d’étouffer une partie de l’humanité. On leur parlait non d’eux-mêmes, mais des autres. On les faisait solidaires de tous les hommes de la terre. Les cinquante mille soldats de mon convoi partaient en guerre pour sauver, non le citoyen des ETATS-UNIS, mais L’HOMME lui-même, le respect de L’HOMME, la liberté de L’HOMME, la grandeur de L’HOMME. La noblesse de votre peuple imposait la même noblesse à la propagande. Si même un jour vos techniciens de la paix lèsent quelque chose de la FRANCE au nom de ces intérêts politiques et matériels, ils trahiront votre véritable visage. Comment oublierais-je pour quelle grande cause le peuple des ETATS-UNIS a combattu ?
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