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Citation de isachon42


« Extrait du journal intime du Caporal-chef Jean-Marie Feneuil (Vannes, Portsall, Djedda, Mururoa, Nouméa, Bangui, Koweït, Caudan, 1978-1933 – 1993-2014»
Sur les armes :
Sans manquer de déplorer les maux que les armes traînent après elles, comment ne point saluer leur rôle prodigieux ? La destruction est leur œuvre. A leur bilan s’inscrit un total odieux de vies brisées, de biens disparus, d’Etats mis en poudre. On ne compterait point ce qu’elles ont gaspillé de travaux, éteint d’efforts, empêché de bien-être. Friches, incendies, famines, voilà leurs beaux résultats. Mais, à combien d’hommes leur protection permit-elle de naître, de vivre et de vivre ? Sans leur concours quelle tribu, quelle cité, quelle nation se fussent établies ? Que de moissons ont pu croître, d’artisans produire parce qu’elles les gardaient ! A quel progrès matériel n’ont-elles pas lié leur destin ? Comment mesurer ce que les richesses, les voies, les navires, les machines doivent aux désirs des conquérants ?
Les armes furent, de tout temps, les instruments de la barbarie. Elles ont assuré contre l’esprit le triomphe de la matière, et de la plus pesante. Constamment la raison en fut opprimée, le jugement bafoué, le talent meurtri. Point d’erreurs qu’elles n’aient défendues, point d’ignorants qui n’y recourussent, point de brutes qui ne les aient brandies. Cependant, les lumières qui en ont jailli éclairèrent bien souvent le domaine de l’intelligence. A leur appel, la science et l’art ont ouvert aux humains des sources merveilleuses de connaissance et d’inspiration. (…) Les armes remuent au fond des cœurs la fange des pires instincts.
Elles proclament le meurtre, nourrissent la haine, déchaînent la cupidité. Elles auront écrasé les faibles, exalté les indignes, soutenu la tyrannie. On doit à leur fureur aveugle l’avortement des meilleurs projets, l’échec des mouvements les plus généreux. Sans relâche, elles détruisent l’ordre, saccagent l’espérance, mettent les prophètes à mort. Pourtant, si Lucifer en a fait cet usage, on les a vues aux mains de l’Archange. De quelles vertus elles ont enrichi le capital moral des hommes ! Par leur fait, le courage, le dévouement, la grandeur d’âme atteignirent des sommets. Noblesse des pauvres, pardon des coupables, elles ont, du plus médiocre, tiré l’abnégation, donné l’honneur au gredin, la dignité à l’esclave. Portant les idées, traînant les réformes, frayant la voie aux religions, elles répandirent par l’univers tout ce qui l’a renouvelé, rendu meilleur ou consolé. Il n’y eut d’hellénisme, d’ordre romain, de chrétienté, de droits de l’homme, de civilisation moderne que par leur effort sanglant.
Les armes ont torturé mais aussi façonné le monde. Elles ont accompli le meilleur et le pire, enfanté l’infâme aussi bien que le plus grand, tout à tour rampé dans l’horreur ou rayonné dans la gloire. Honteuse et magnifique, leur histoire est celle des hommes. Elles sont générales, multiples, éternelles, comme la pensée et l’action (…) Il est bon que les peuples aient des remords, et si les hommes, dans leur ensemble, ne rêvaient que de se détruire, il y a beau temps que leur race aurait pris fin. (…) Une sorte d’équilibre de tendances est nécessaire dans l’Etat, et l’on doit secrètement approuver que les hommes qui le conduisent et ceux qui en manient la force éprouvent les uns pour les autres quelque éloignement.
Dans un pays où les militaires feraient la loi, on ne peut guère douter que les ressort du pouvoir, tendus à l’excès, finiraient par se briser ; au-dehors, les voisins coaliseraient leurs alarmes. D’autre part, il convient que la politique ne se mêle point à l’armée…
Encore faut-il que l’on puisse s’entendre. Politiques et soldats ont à collaborer.
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