J’en ai connu des Français, dit-il en hochant la tête en homme qui fouille dans ses souvenirs, j’en ai tué même, insiste-t-il… égorgé. Douze. Et il raconte que pendant la guerre d’indépendance il était dans l’armée française et avait déserté une nuit avec un camarade, après avoir égorgé dans leur sommeil tous leurs compagnons de chambrée ; qu’ensuite il avait rejoint le maquis et était devenu général de l’Armée de Libération Nationale.
Et, ajoute-t-il avec force, si Boumediène m’appelle et me demande de rejoindre le maquis avec lui, j’y vais immédiatement. J’arrête ma voiture là – il montre le talus – et je monte dans la montagne. Là, j’arrête ma voiture, Jean, là !
A un moment, où nous avions une bonne visibilité sur la ville et le fleuve rouge, notre chauffeur arrêta sa voiture et se tourna vers nous. Montrant le ciel puis le fleuve, il dit « B năm hai », et je compris que cela signifiait B cinq deux. Je répétai, pour lui montrer que j’avais compris « B năm hai » et avec la main en l’air je représentai un avion en vol. Il reprit, montrant de nouveau le fleuve : « B năm hai… chết nhỏ ». Je répétai après lui. J’avais compris. Il nous montrait les digues protégeant la ville, qui avaient fait l’objet de bombardements américains au printemps et à l’été 1972 . « B năm hai chết nhỏ». Des mots simples : B52 mort enfants.