Vaguement conscient, allongé dans mon sarcophage en lévitation acoustique, nourri par de minutieuses perfusions intraveineuses, je percevais les bips des machines, mais tout semblait flou. J’avais perdu tous mes repères. J’ai aperçu quelqu’un se pencher sur moi. Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai appris qu’il s’agissait de Kalder, le directeur du BRL. Une conversation incompréhensible résonnait dans la pièce. Je n’avais aucune notion du temps. La nuit venue, lorsque les lumières s’éteignaient, j’étais livré à moi-même, seul dans ma prison, gagné par la panique.
Alors que je rédige ces lignes, je suis devenu un vieil homme et je crains que les traces laissées dans ma mémoire s’effacent à jamais. Des images défilent, m’obsèdent. Des souvenirs et des mots que je croyais oubliés me reviennent. Je crois que Dieu me demande de dévoiler mon histoire, mes secrets, les actions de chaque moment de ma vie, petites et grandes, avant que l’odeur putride de la mort s’agrippe à moi.
Le pays où j’ai vécu est chargé d’une longue et douloureuse histoire, d’incessants bouleversements et de conflits sans fin. Il est borné par l’Égypte au midi, par la Phénicie et la Mer du Milieu au couchant. Il finit vers l'orient où l'Arabie commence. Le septentrion apparaît au loin du côté de la Syrie. Sur les plus hautes cimes, celles du Mont-Liban, poussent des cèdres majestueux qui apportent la fraîcheur sous le ciel brûlant. C'est de ce Mont que se déversent les eaux resplendissantes du Jourdain.
Je n’arrivais pas à comprendre mon état d’esprit avant ce départ. Ma curiosité l’emportait, mais une forme de confusion me submergeait. Je peinais à me situer dans l’espace et le temps, ma conscience s’était lovée dans les plis d’un rêve éveillé. Je réalisais que dans quelques mois, nous atteindrions sans doute la lisière d’une forêt peuplée de créatures effrayantes et hostiles sur une planète où nous étions de parfaits étrangers.