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Citation de Dorian_Brumerive


Nobles et graves d’abord, les gestes et les bonds des danseuses devenaient plus rapides, plus saccadés, plus violents, à mesure que le chant monotone et pénétrant du syrinx précipitait son mouvement. Graduellement, le délire s’emparait des bacchantes. Leurs teints s’animaient, leurs regards s’affolaient. Elles atteignirent bientôt un degré d’exaltation inouï. En ces hommes qui les entouraient, la concupiscence montait à la vue de ces corps allègres et chaleureux : les yeux flambaient; les visages se masquaient d’un sourire maniaque. Bientôt ces animaux allaient se jeter sur ces femmes échevelées et en furie, se battre et se déchirer pour les avoir.
Leur rage sacrée gagnait toujours plus l’assistance. Enflammés et fébriles, plus qu’à moitié nus, dans ce brasier de lueurs, sauvages et simiesques, nous trépignions comme des insensés frappant obstinément des mains et des pieds pour marquer la mesure toujours accélérée. Bientôt nous criions, possédés, frénétiques, à notre tour. Notre déchaînement touchait au paroxysme, lorsque, s’agenouillant trois fois, Halström fit éclater trois grands coups de lumière sur le portique.
Alors, se dressant, il dessina circulairement un geste d’appel qui fit glisser la chape à ses pieds. Il semblait s’adresser à des êtres invisibles, tapis aux profondeurs de l’air. Comme il jetait bas sa mitre, afin, croyais-je, de se mêler à la danse, un premier miracle se produisit.
Là où, précédemment, nous nous étions comptés dix hommes, y compris l’officiant et son servant, nous fûmes tout à coup entourés d’une troupe de nymphes bondissantes et caracolantes. Petites divinités matérialisées, devenues charnelles, elles s’agitaient en délire, hanches ballantes et seins retroussés. Elles se ruèrent sur nous pour nous exciter de leurs cris aigus, de leurs rires hystériques, nous provoquer de leurs agaceries.
Dans leur danse éperdue, qui sautait et virevoltait, elles enlaçaient les hommes, leur échappaient à l’instant qu’ils allaient les saisir, s’enfuyaient, fantasques, les assaillaient encore… Je m’aperçus qu’en les poursuivant, les disciples de Halström titubaient comme des gens ivres. Moi-même, je chancelais et ne me dominais plus aucunement. L’une des nymphes, sous la forme d’une exquise gaillarde, brune et piquante à souhait, m’avait frôlé plusieurs fois, et fui, et frôlé encore, jouant le jeu d’une phalène autour d’un flambeau.
Elle me toucha enfin, et je sentis la pression élastique et tiède de ses hanches de chair, de vraie chair, si désirable ! Elle me rit sous le nez, de toute sa bouche rouge, de toutes ses dents blanches, de tous ses yeux étincelants et mutins, me pinça et prit sa course en éclatant de rire, avec l’air de ne pas demander mieux que d’être rattrapée. Aussitôt me voilà, ægipan lubrique, lancé à sa poursuite, sous les pins.
Son rire, pourtant, était d’une mortelle, tandis qu’elle s’amusait agilement de moi. Elle courait si preste, faisait des détours si adroitement audacieux que je la manquai constamment. Je me cognais aux troncs rudes des pins, je choppais et manquais de tomber. Cela dura jusqu’au moment où, prenant pitié de mon désir, à moins que ce ne fut du sien propre, elle se jeta à cœur perdu dans mes bras et, tous deux, nous nous écroulâmes sur le gazon, au milieu des bramements, des soupirs et des cris enamourés des autres couples.
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