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250 pages
Editions Colbert. (31/05/1927)
4/5   1 notes
Résumé :
C’est le hasard qui fait revenir à Roscoff l’écrivain breton Alain Le Breiz, légataire d’une très ancienne tour située non loin du village, le Fort Vauban. Cette tour en ruine, habitable au rez-de-chaussée, surplombe dans ses étages le terrain d’une maison voisine que les habitants de Roscoff semblent redouter au point de se livrer, sur les hauts murs qui la cernent, à des exorcismes rituels à base d’eau bénite. La propriété appartient à un certain Peer Halström, un... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Il y a des livres maudits, des romans sulfureux sur lesquels le sort s'acharne avec une opiniâtreté suspecte. « le Dernier Faune », petit joyau de la littérature fantastique et de l'érotisme décadent, en est un exemple parfait. Publié à deux reprises, ce roman n'a jamais connu le succès qui aurait dû être le sien.
Il est vrai que son auteur, relativement connu en son temps, est un personnage compliqué à remettre en lumière. Jean d'Agraives, de son vrai nom Frédéric Causse, est perçu aujourd'hui comme un auteur médiocre de la première moitié du XXème siècle, et ce en dépit d'une productivité hors-normes : il a signé plus d'une soixantaine de livres, principalement des romans d'aventure et d'aviation pour la jeunesse aux intrigues assez stéréotypées, mais aussi des romans pour adultes, assez personnels et originaux, beaucoup plus difficiles à dénicher.
Publié à compte d'auteur en 1927, « le Dernier Faune » n'est probablement sorti qu'à très peu d'exemplaires. On retrouvera donc plus sûrement une version remaniée et quelque peu actualisée, rééditée par l'auteur en 1944, dans un format très réduit (de la taille d'un missel) mais néanmoins nanti de quelques illustrations, que l'on peut acquérir pour moins d'une dizaine d'euros sur Internet. Néanmoins, cette deuxième version, sortie sous l'Occupation, deux mois avant le Débarquement, n'eût guère plus de succès, l'époque étant un peu trop mouvementée pour que l'on se préoccupe d'une évocation des antiques lupercales. Qui plus est, accusé de collaboration, Jean d'Agraives fut condamné à de la prison en 1945, et ne s'essaya plus guère, par la suite, à des oeuvres subversives. « le Dernier Faune » fut donc l'un des deux seuls romans de la collection "Plaisir d'Élite", qui hélas promettait beaucoup (le second, sur un thème apparemment voisin, est une réimpression de « La Petite Faunesse » (1917) de Charles Derennes, dont j'ai également fait une critique sur ce blog.
« le Dernier Faune » est un livre qui interpelle par son sujet même : l'irruption, dans un petit village reculé de Bretagne, d'un culte religieux orgiaque voué au dieu Pan, et visant à le faire revenir des limbes pour qu'il s'empare du monde et en chasse le christianisme impie...
C'est le hasard qui fait revenir à Roscoff l'écrivain breton Alain le Breiz, légataire d'une très ancienne tour située non loin du village, le Fort Vauban. Cette tour en ruine, habitable au rez-de-chaussée, surplombe dans ses étages le terrain d'une maison voisine que les habitants de Roscoff semblent redouter au point de se livrer, sur les hauts murs qui la cernent, à des exorcismes rituels à base d'eau bénite. La propriété appartient à un certain Peer Halström, un étranger venu s'installer là, et que l'on soupçonne de pratiquer la magie noire. Il faut dire que, très secret de nature, Halström se montre rarement, ne communique avec personne, défend farouchement l'entrée de sa maison et passe la majeure partie de ses journées à jouer des mélodies dissonantes sur des grandes orgues qu'il a fait installer chez lui. Comme son logement est accolé à l'un des murs de la propriété d'Halström, Alain peut en apercevoir une grande partie, invisible pour tout le voisinage.
Il est intéressant de préciser que ce village et ce fort sont authentiques. le village de Roscoff se trouve dans le Finistère, au bord de la mer, à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Morlaix. le fort existe également, même s'il ne s'appelle pas Fort Vauban, mais Fort Bloscon, et a été édifié par Vauban. Les images du Fort-Bloscon correspondent assez à la propriété de Peer Halström telle qu'elle est décrite dans ce roman. Il n'y a cependant aucune tour qui surplombe cet endroit, même s'il est indubitable que Jean d'Agraives s'en soit inspiré pour son roman.
Alain le Breiz, en quête d'inspiration, est assez rapidement intéressé par ce voisin misanthrope et invisible. Il l'est davantage encore quand, du haut de son perchoir, il aperçoit un jour la ravissante nièce de Halström, une ange blond d'une pureté virginale, qui donne à manger à des oiseaux qui semblent subir, à l'instar d'Alain lui-même, une attirance magnétique pour la jeune fille.
L'apparition de la délicieuse Thétis, nièce de Peer Halström, marque l'entrée du roman dans la sensualité, et offre à Jean d'Agraives le passage le plus poétique de son récit. Tétanisé par cette beauté innocente, Alain n'ose pas se manifester. Ce n'est heureusement que partie remise.
En effet, la tour du Fort Vauban est unie au jardin de la propriété de Peer Halström par l'immense branche d'un vieux chêne qui permet à chacun des deux jeunes voisins de passer chez l'autre. Quelques jours plus tard, le lendemain d'un soir où Alain, terrifié, a entendu par la fenêtre le cri étrange d'un animal inconnu, c'est Thétis qui s'introduit dans la tour pour lui demander de lui restituer un objet qu'elle a négligemment envoyé valser chez lui. Les deux jeunes gens sympathisent, Alain tente d'interroger Thétis sur les activités de son oncle, mais la jeune fille lui fait comprendre qu'elle n'a pas le droit de le révéler.
Le lendemain, la rencontre d'un vieux camarade de classe, Chanteuil, devenu peintre, va quelque peu éclairer la lanterne d'Alain. Aux yeux de tous, Chanteuil est un peintre paysagiste comme il y en a légion en Bretagne, mais l'homme est aussi un féru d'occultisme, et reçoit chez lui des passionnés du surnaturel venus du monde entier. Chanteuil sait beaucoup de choses sur Halström, mais il hésite à en parler à Alain. La raison principale, ce dernier l'apprendra plus tard, est que Chanteuil est lui aussi l'un des adorateurs de Pan dévoué à Halström.
C'est par l'un de ses élèves, qui discourt sur les rituels occultes antiques, que le Breiz va deviner la vérité. Cet élève parle d'un instrument rituel antique appelé le "mugisseur", sorte de colifichet que l'on fait tourner à la force du poignet et qui produit un bruit de sirène. Alain devine, à la description de l'instrument, que c'est là l'objet qu'avait perdu Thétis chez lui, et que c'est le son de ce "mugisseur" qu'il a pris, le soir précédent, pour un cri d'animal.
Par le biais de ses visites à Chanteuil, le Breiz se familiarise quelque peu avec les rituels antiques et le culte de Pan. Cette érudition lui sera utile d'ici peu.
Pendant plusieurs jours, du haut de sa tour, Alain observe la propriété de son voisin, guettant Thétis qu'il meurt d'envie de revoir. Hélas, la jeune fille est souvent gardée enfermée par son oncle, et sa tendre inclination pour son charmant voisin est combattue par la certitude d'un devoir secret dont elle ne veut rien dire. Une nuit qu'Alain, bravant son inquiétude, pénètre subrepticement chez Halström, il aperçoit devant la maison une statue de bronze vert, haute de plusieurs mètres, représentant le dieu Pan, et surprend une conversation entre Halström et Thétis, qu'il présente à la statue de son dieu. Celle-ci, comme hypnotisée, se laisse étreindre et tripoter par son oncle lubrique, lequel lui révèle qu'elle est peut-être appelée à devenir la future Grande Prêtresse qui sera offerte à l'étreinte du dieu Pan, et lui permettra de s'incarner dans ce monde. Quelques temps plus tard, Alain, du haut de sa tour, assiste lors d'une nuit de pleine lune à une sorte de lupercale orgiaque entre des invités, entrés dans la propriété via le bord de mer sur des barques silencieuses. Tous copulent à loisir dans le jardin, en s'amusant à se poursuivre les uns les autres, au milieu de brumes équivoques, et au rythme d'un orchestre de musique ancienne. Alain, gêné, reconnaît Chanteuil parmi eux...
À la fois amoureux de Thétis et totalement bouleversé par ce culte étrange qui fait vaciller ses certitudes de chrétien, le Breiz ne sait trop quoi faire, ni comment agir. le hasard va lui venir en aide lors d'une nuit mémorable.
Un soir, Thétis déboule paniquée chez le Breiz : son oncle a soudainement été pris d'un malaise étrange et semble lutter contre des créatures invisibles venues de l'Enfer. Thétis ne sait pas quoi faire, Alain non plus, mais ensemble, ils courent vers la grande maison. En entrant dans la chambre de Peer Halström, le Breiz et son amie tombent en arrêt devant un spectacle effrayant. Rampant à terre dans sa chambre qui ressemble à un antre de sorcier surchargé de statuettes démoniaques, Halström semble lutter contre des créatures invisibles qui le terrassent à grands coups d'invectives et de conjurations.
Par le biais d'efforts occultes et de passes magiques, il parvient finalement à dominer toutes ces créatures invisibles, et à les renvoyer d'où elles viennent.
Remis de ses émotions, et compte tenu du contexte, Halström sympathise avec le Breiz et lui explique son but. Grâce aux informations de Chanteuil, Alain parvient à persuader Halström qu'il est lui aussi féru d'occultisme, et demande à être initié au culte du dieu Pan. Halström, qui a beaucoup de fidèles mais guère de disciples, accepte sa proposition.
En réalité, le Breiz n'a qu'une idée en tête : soustraire Thétis à ces forces maléfiques et à cet oncle qui joue avec des cultes interdits. Entrer dans le jeu d'Halström est pour lui un moyen de chercher la faille pour vaincre ce culte païen. La confiance que lui voue le grand prêtre du culte de Pan amène d'ailleurs ce dernier à lui confesser certains de ses doutes. Selon le rituel visant à ressusciter Pan, la jeune femme que l'on nommera Grande Prêtresse devra s'unir charnellement à Pan, mais n'y survivra pas - quoique cette mort extatique soit enviable sur bien des points, comme l'assure Halström. Mais influencé par sa répulsion naturelle à sacrifier sa nièce, Halström doute qu'elle soit l'Élue nécessaire à ce rituel. Seulement voilà, il n'a personne d'autre sous la main qui serait digne de prendre cette place.
Le Breiz comprend alors que là se trouve sa chance de sauver Thétis. Il faut dénicher une autre femme qui la supplante aux yeux d'Halström. Mais où ? Et qui choisir ? En discutant de cela quelques jours plus tard avec Chanteuil, ce dernier révèle avoir une connaissance qui pourrait faire l'affaire : la danseuse Nadia Bounine.
Nadia est l'archétype de "la Madone des Sleepings" chère à Maurice Dekobra. Un fantasme tout à fait classique des années 20-30. La riche et belle aventurière, dévergondée et lubrique, passant sa vie à voyager de par le monde à la recherche de nouvelles expériences sexuelles ou sensuelles, opiomane, éthylique mondaine, bisexuelle, en un mot hédoniste et exubérante.
Nadia Bounine est donc l'une de ces hétaïres qui font rêver tous les hommes de cette époque, et très logiquement, en dépit de son amour pour Thétis, Alain est profondément troublé par Nadia lorsque, débarquant à peine de la gare, elle se présente chez Chanteuil, qui l'a faite venir. S'ensuit alors un jeu de séduction entre Alain et Nadia, elle voulant mettre dans son lit ce beau jeune homme, lui ne songeant qu'à la livrer en pâture à Halström afin de sauver Thétis. Il finit par obtenir un rendez-vous entre Nadia et Halström le lendemain soir, sur le bord de mer près de la maison de ce dernier. Mais Halström, impatient de rencontrer Nadia, oblige Alain à l'accompagner à son rendez-vous avec deux heures d'avance. Nadia est elle aussi déjà arrivée au point de rendez-vous, mais se croyant seule, elle s'est déshabillée et se prélasse nue au milieu des vagues. Tombant en arrêt devant cette sirène jaillissante des flots, offerte à la clarté crépusculaire, Halström se déshabille complètement lui aussi et rejoint Nadia qui, voyant ce géant nu courant vers elle, tente alors de s'enfuir. Mais l'homme, malgré son imposante carrure, rattrape alors la femme, et tombant tous deux au milieu des vagues,dans une étreinte sauvage, ils font l'amour brutalement là, à quelques mètres du rivage, devant un le Breiz médusé, et qui, un peu choqué, rentre chez lui en se disant que le courant (maritime) semble bien passé entre ces deux-là.
Comme toute femme digne de ce nom, Nadia Bounine s'est soumise spontanément au magnétisme extraordinaire d'Halström. Celui-ci est persuadé de tenir enfin sa Grande Prêtresse, mais ne pouvant totalement se substituer à la volonté divine de Pan, il décide de présenter les deux jeunes femmes au rituel final, et de laisser le dieu choisir celle qui sera son épouse. Affligé par cette décision, Alain accepte de participer lui aussi à la grande lupercale, afin de pouvoir éventuellement sauver Thétis au dernier moment, si par malheur le dieu Pan la préfère.
L'ultime lupercale, dernière étape pour les membres du culte, se déroule lors d'une nouvelle pleine lune aux pieds de la statue de bronze vert. Cette orgie finale est assurément le passage le plus intense, le plus magistral du roman. Tous les fidèles au dieu Pan y sont assis nus, sur la plage, à quelques mètres de l'immense statue.
De leur côté, aux pieds de la statue, Thétis et Nadia s'allongent dans une étreinte saphique, et donnent le coup d'envoi d'une orgie générale parmi les fidèles. Toute cette frénésie sexuelle réveille finalement le dieu Pan, et tandis que Peer Halström enjoint le dieu à choisir la femme qu'il choisira pour s'unir, la statue de bronze s'anime, se dresse et se saisit de Nadia, tout en repoussant Thétis : c'est fait, le dieu Pan a choisi.
C'est alors qu'un tonnerre jaillit de nulle part roule dans le ciel, tandis qu'un éclair flamboyant illumine les ténèbres et frappe la statue du dieu Pan, qui s'immobilise, bascule en avant et s'abat sur le sol, écrasant la malheureuse Nadia sous son poids. Une pluie diluvienne s'abat sur les fidèles du dieu Pan, et disperse dans l'air les nymphes adorables.
Reprenant ses esprits, Alain le Breiz court vers Thétis, hagarde, et l'emporte dans ses bras, fuyant les lieux du drame.
Le lendemain, la police retrouve le cadavre de Nadia sous la statue de bronze. Les gendarmes sont étonnés de constater sur son visage une expression totalement extatique. À quelques mètres, Halström, devenu fou, erre comme une âme en peine, ne sachant plus qui il est. Enfermé le soir même dans un asile de fous, il y mourra quelques mois plus tard...
Quant à Thétis, elle est totalement amnésique, et ne se souvient d'absolument rien de sa vie passée. Comme elle n'a plus aucune famille, c'est bien volontiers qu'elle épouse Alain le Breiz, qui n'en demandait pas plus.
C'est de cette manière brutale, et avouons-le, un peu facile, que se termine « le Dernier Faune », roman maudit, roman oublié, mais roman magistral. Pourtant, Jean d'Agraives aurait pu faire mieux : la préciosité des descriptions dont il fait preuve à certains passages magnifiques lui fait grandement défaut lors de chapitres plus généralement narratifs dont on sent qu'il est un peu pressé d'en finir. Bien dessinés, ses personnages ont tout de même une psychologie un peu primaire. Beaucoup auraient gagnés à être mieux exploités. On comprend d'autant moins ce caractère inabouti que « le Dernier Faune » est pourtant un livre assez court (250 pages en mini-format et avec des caractères assez gros, soit moins de 200 pages pour un livre de poche ordinaire). L'auteur pouvait étoffer son histoire sans en gâcher les effets, ou craindre d'ennuyer son lecteur. Trop habité par ses visions de lupercales en terre bretonne, Jean d'Agraives a sans doute sacrifié volontairement tout ce qui s'en détournait un peu trop.
Il n'empêche, malgré ces petites faiblesses, « le Dernier Faune » est un roman inoubliable, passionnant, jamais ennuyeux, obéissant aux codes du fantastique tout en lorgnant ouvertement vers un érotisme lettré, érudit, et encore aujourd'hui merveilleusement troublant. Il faut être vraiment très pudibond pour ne pas se sentir remué en profondeur par cette évocation fantasmatique et raffinée du paganisme antique. « le Dernier Faune » est non seulement un livre qui se lit avec délectation, mais qui peut se relire indéfiniment, tant l'intrigue y est finalement secondaire et l'ambiance très particulière demeure entêtante, et se redécouvre à chaque relecture. Une oeuvre déconcertante, donc, mais fascinante, un pur produit des Années Folles, et qui en restitue encore toute l'ivresse et l'insouciance, mariant érotisme et fantastique en un cocktail raffiné et sublimement extatique.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Nobles et graves d’abord, les gestes et les bonds des danseuses devenaient plus rapides, plus saccadés, plus violents, à mesure que le chant monotone et pénétrant du syrinx précipitait son mouvement. Graduellement, le délire s’emparait des bacchantes. Leurs teints s’animaient, leurs regards s’affolaient. Elles atteignirent bientôt un degré d’exaltation inouï. En ces hommes qui les entouraient, la concupiscence montait à la vue de ces corps allègres et chaleureux : les yeux flambaient; les visages se masquaient d’un sourire maniaque. Bientôt ces animaux allaient se jeter sur ces femmes échevelées et en furie, se battre et se déchirer pour les avoir.
Leur rage sacrée gagnait toujours plus l’assistance. Enflammés et fébriles, plus qu’à moitié nus, dans ce brasier de lueurs, sauvages et simiesques, nous trépignions comme des insensés frappant obstinément des mains et des pieds pour marquer la mesure toujours accélérée. Bientôt nous criions, possédés, frénétiques, à notre tour. Notre déchaînement touchait au paroxysme, lorsque, s’agenouillant trois fois, Halström fit éclater trois grands coups de lumière sur le portique.
Alors, se dressant, il dessina circulairement un geste d’appel qui fit glisser la chape à ses pieds. Il semblait s’adresser à des êtres invisibles, tapis aux profondeurs de l’air. Comme il jetait bas sa mitre, afin, croyais-je, de se mêler à la danse, un premier miracle se produisit.
Là où, précédemment, nous nous étions comptés dix hommes, y compris l’officiant et son servant, nous fûmes tout à coup entourés d’une troupe de nymphes bondissantes et caracolantes. Petites divinités matérialisées, devenues charnelles, elles s’agitaient en délire, hanches ballantes et seins retroussés. Elles se ruèrent sur nous pour nous exciter de leurs cris aigus, de leurs rires hystériques, nous provoquer de leurs agaceries.
Dans leur danse éperdue, qui sautait et virevoltait, elles enlaçaient les hommes, leur échappaient à l’instant qu’ils allaient les saisir, s’enfuyaient, fantasques, les assaillaient encore… Je m’aperçus qu’en les poursuivant, les disciples de Halström titubaient comme des gens ivres. Moi-même, je chancelais et ne me dominais plus aucunement. L’une des nymphes, sous la forme d’une exquise gaillarde, brune et piquante à souhait, m’avait frôlé plusieurs fois, et fui, et frôlé encore, jouant le jeu d’une phalène autour d’un flambeau.
Elle me toucha enfin, et je sentis la pression élastique et tiède de ses hanches de chair, de vraie chair, si désirable ! Elle me rit sous le nez, de toute sa bouche rouge, de toutes ses dents blanches, de tous ses yeux étincelants et mutins, me pinça et prit sa course en éclatant de rire, avec l’air de ne pas demander mieux que d’être rattrapée. Aussitôt me voilà, ægipan lubrique, lancé à sa poursuite, sous les pins.
Son rire, pourtant, était d’une mortelle, tandis qu’elle s’amusait agilement de moi. Elle courait si preste, faisait des détours si adroitement audacieux que je la manquai constamment. Je me cognais aux troncs rudes des pins, je choppais et manquais de tomber. Cela dura jusqu’au moment où, prenant pitié de mon désir, à moins que ce ne fut du sien propre, elle se jeta à cœur perdu dans mes bras et, tous deux, nous nous écroulâmes sur le gazon, au milieu des bramements, des soupirs et des cris enamourés des autres couples.
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