Me sens grise, dois partir
C’est facile. Tu vends tout ce que tu possèdes et tu achètes un billet. Même si tu n’as nulle part où aller, il y a des mots qui doivent chanter intérieurement. Suzanne a les mots magiques qui vont la transformer en un drapeau rutilant et qui vont lui révéler la longueur de ses bras. Les mots sont : Hôtel Seville, New Yprk City. C’est facile. Tu vends tout ce que tu possèdes.
« Ne pleure pas ce qui ne peut pas te pleurer », dit la mère de Suzanne.
Suzanne organise un vide-greniers. Elle confectionne une grande pancarte : ME SENS GRISE, DOIS PARTIR. Elle vend tout et ne conserve que deux pantalons et deux t-shirts qu’elle teint en gris dans la baignoire.
Sa mère lui offre une brosse à dents à un dollar. Sa soeur lui offre des pilules contraceptives et des disques d’Iggy Pop. Son père dit : « Tu reviendras ».
Suzanne dit : « Peut-être » et pense : « Si tu ne m’avais jamais frappée, je ne connaîtrais pas mon squelette. »