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Citation de Charybde2


Sortir de l’économie rend obsolète la plupart de ses notions constitutives. Faudrait-il alors renoncer à parler de « production », comme on l’a fait ici ? Le terme n’est certes pas dépourvu d’inconvénients, car il charrie l’imaginaire prométhéen d’un humain qui produit par sa seule puissance, à l’image sans doute du dieu biblique. Cependant, il n’implique nullement, par lui-même, le productivisme propre au capitalisme et il paraît donc possible de le repenser en le débarrassant de ses connotations gênantes. C’est dans cette optique qu’on adopte ici ce terme, pour désigner « ce qui reste » quand l’économie a disparu : des hommes et des femmes qui interagissent avec la matière du monde vivant et non vivant pour s’alimenter, se vêtir, créer des lieux habitables, se rencontrer et déployer la suffisance intensive du bien-vivre. En revanche, c’est plutôt la notion de travail, si centrale dans le monde de l’Économie, qu’il conviendrait d’écarter. Cela implique de cesser de définir comme travailleuses et travailleurs celles et ceux qui se livrent à une activité productive (ou reproductive) car, dans un univers postcapitaliste, celle-ci ne saurait être ce qui fonde un quelconque statut social. De fait, s’identifier comme travailleur ou travailleuse, c’était se laisser happer par les catégories du capitalisme, même lorsqu’on s’opposait à lui, comme l’a fait le mouvement ouvrier. Le travailleur est celui qui accepte une activité subie, qui se dessaisit de ses capacités manuelles ou intellectuelles et les engage dans un projet dont la maîtrise revient à d’autres – bref, celui qui reste étranger aux fins de son activité. C’est pourquoi il ne peut y avoir de sortie du capitalisme sans abolition du travail salarié, mais aussi de la notion même de travail. C’est la condition pour restaurer l’unité du faire humain dans tous les domaines, qu’il s’agisse de la production, des activités d’organisation collective ou des tâches domestiques (ainsi, plutôt que de revendiquer la reconnaissance de ces dernières comme travail, c’est l’ensemble des activités qui devraient cesser d’être tenues pour du travail). En finir avec le travail, c’est aussi faire passer au premier plan l’essentiel, le temps disponible, et c’est libérer le goût des activités libres et multiples. C’est inaugurer l’âge du faire.
Il ne s’agit ici que de commencer à réveiller nos imaginaires postcapitalistes, car, à l’évidence, les choix productifs et les options d’organisation seront ceux des collectifs concernés, le moment venu. En réalité, ce chapitre n’a qu’un seul enjeu : prendre la mesure de ce que signifie la fin du monde de l’Économie et saisir l’ampleur des possibles concrets qui s’ouvriraient alors. En finir avec le capitalisme, ce n’est ni encadrer le marché ni abolir la propriété privée des moyens de production. C’est briser la logique de la valeur, qui ramène tout à de pures quantités et exige que l’argent investi se transforme en davantage d’argent. Ce point est crucial, car là se situe le moteur de la compulsion productiviste qui est à l’origine du chaos climatique, de l’effondrement de la biodiversité et de la dévastation des milieux vivants auxquels tous les habitants de la planète Terre sont désormais confrontés.
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