Hans Urs von Balthasar, préfaçant les Méditations sur les 22 arcanes majeurs du tarot de valentin Tomberg (...)soulignait la possibilité et l'existence, de certains "rapatriements" proprement bibliques et chrétiens de l'ésotérisme (et d'évoquer, à titre d'exemples, Pic de la Mirandole, Marsile Ficin, jean reuchlin, Gilles de Viterbe, Franz von Baader).
"Rapatriement" - cela suppose une expatriation antécédente, (...). Dire rapatriement, c'est donc suggérer qu'il y eut un temps où l'ésotérisme habitait la patrie chrétienne, ou du moins (...) que l'ésotérisme peut habiter cette patrie, qu'il ne se trouve qu'accidentellement à son dehors, qu'il n'y aurait alors pas d'incompatibilité intrinsèque à un ésotérisme au sein du christianisme, et que l'ésotérisme ne serait pas tout déraison face à la raison théologique, mais peut-être une autre perspective ou, comme le dit Jean-Pierre Laurant, un autre "regard", possiblement chrétien sur le christianisme. La question mérite d'être posée.
Introduction
Entreprendre un examen théologique de l'ésotérisme peut paraître oiseux et vain. En effet, pour bien des catholiques, théologiens y compris, l'ésotérisme "représente (...) la déraison face à la raison théologique, le monde du sacré face au monde de la foi" -une déraison donc, qu'il suffirait de désigner, plutôt que d'analyser (analyse-t-on la déraison ?), pour la conjurer et mettre en garde ceux que ses mirages pourraient attirer. Mais quand cette déraison a atteint des personnages aussi peu suspects d'inintelligence que Pic de la Mirandole et Marsile Ficin, ou encore Newton et Kepler, souvent rangés au nombre des pères de la rationalité moderne, force est de reconnaître qu'un examen un peu plus attentif de ladite déraison mérite probablement d'être mené. Et quand cette déraison, sous des formes diverses et variées, semble encore séduire nombre de nos contemporains, force est alors de s'en soucier, comme encore récemment s'en sont souciés, dans un but pastoral, le Conseil pontifical de la culture et le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux dans leur rapport provisoire de 2002, Jésus-Christ, le porteur d'eau vive, où l'ésotérisme est présenté comme la matrice du Nouvel Age. Enfin, quand l'étude de cette déraison a désormais acquis droit de cité dans l'Université, il serait sans doute regrettable que la théologie s'en désintéressât totalement. L'intérêt de l'Université, le souci des Eglises et le succès public de l'ésotérisme invitent donc, de manière pressante, à interroger théologiquement la supposée déraison ésotérique.
Introduction