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Citation de enkidu_


La convention du romanesque reste puissante bien qu’affaiblie ; et particulièrement aux États-Unis comme l’illustrent paradoxalement la facilité et la fréquence du divorce américain qui est bien sûr une coutume profondément morale. Mais la question émerge – cette loyauté sexuelle dans les deux divisions de notre classe moyenne, la doit-on aux hommes ou aux femmes ? Toute la rhétorique élégante et tranchante de Meredith sur la jalousie de Turc montrée par nos hommes qui auraient en conséquence instauré la monogamie n’était, on le voit bien maintenant, que pseudo-philosophie de fariboles comme une grande partie des virils moulinets de cet écrivain surestimé. Les femmes font ce qu’elles veulent.

Elles l’ont toujours fait et le feront toujours. Sous le roi Arthur, elles voulaient être aimées sur un mode chevaleresque idéal. À l’époque de la reine Victoria, elles voulaient être aimées comme Robert Browning ou John Stuart Mill aimaient leurs femmes. Dans les deux dernières décennies, elles ont voulu prendre une initiative directe ; elles ont voulu être économiquement indépendantes, avoir un amant si elles en voulaient un, de même qu’un enfant ; avoir un mari si elles le souhaitaient, ainsi que deux ou trois enfants ; et, bien sûr, s’agissant de leur bonheur réel, elles se sont rendu compte que la grande et mystérieuse Autre Femme à l’arrière-plan – je parle de la Nature – était plus intraitable que les fils des hommes. Mais malgré tout, malgré ce qui arrive à la lettre de la promesse quand l’esprit s’est envolé, il est indéniable que lorsque les Britanniques et les Américains ordinaires lisent Dostoïevski, ils ont conscience, comme je l’ai dit, d’une bizarre et surprenante lacune.

La question est derechef posée : par quel sentiment dramatique Dostoïevski comble-t-il cette brèche ? Eh bien, M. Carr nous donne la réponse, elle tient en un mot : « pitié ». Là où le vieil idéal romantique de l’amour chaste, chevaleresque, mystique avait coutume de primer, nous trouvons dans ces quatre romans une impulsion tout aussi supérieure à l’égoïsme humain naturel, c’est-à-dire la projection imaginative de nos nerfs dans ceux d’un autre que nous appelons la pitié.

C’est un fait psychologique, me semble-t-il, que les femmes sont plus facilement sensibles à la pitié que les hommes ; et si, comme le suggèrent les traditions tribales et le supposent les antiques légendes galloises, la plupart des peuples sont d’abord passés par un système matriarcal, il semble assez logique qu’en Russie, où se croisent l’âge sombre et le Moyen Âge en coïncidant avec des expériences ultra-scientifiques, la conception de l'actualité diffère totalement de la nôtre. Et l’on ne doit oublier que l’extravagance érotique du christianisme jamais été réglée par la loi romaine. Ainsi tout se passe comme s’il convenait à la nature des femmes russes comme à l’âme russe avec son christianisme byzantin à la poésie généreuse, au mysticisme désespéré, saturé de sexualité, que la qualité de pitié, si vite mêlée à un vice délicieux et sensuel, et celle d’humilité, si vite dissipée dans un goût extatique pour certains abaissements morbides, deviennent les aspects principaux de l’amour sexuel qui remplace en Russie la chevalerie romantique de la tradition celte.
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