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Citation de lexote


Il y eu de notables différences de tendances entre les diverses branches de la science, leur puissance d’orgueil augmentant en raison de leur infériorité. La philologie, la logique, la rhétorique qu’on enseigna dans les écoles, eurent un effet si pestilentiel sur leurs adeptes qu’ils finirent par croire que la connaissance des mots était le résumé de tout savoir : certaines grandes sciences, au contraire, telle que l’histoire naturelle, rendent les hommes aimables et modestes en proportion de leur juste conscience de tout ce qu’ils ignoreront toujours. Les sciences naturelles apportent l’humilité au coeur humain; toutefois, elles peuvent aussi devenir nuisibles en se perdant dans les classifications et les catalogues.

Le plus grand danger vient des sciences des mots et de méthodes et ce sont elles, justement, qui absorbèrent l’énergie de l’homme durant la période de la Renaissance. Ils découvrirent, tout à coup, que depuis dix siècles, les hommes avaient vécu ingrammaticalement, et ils firent de la grammaire le but de leur existence. Peu importait ce qui était dit, ce qui était fait, pourvu que ce fût dit suivant les règles de l’école et fait avec système. Une fausseté émise en dialecte cicéronien ne trouvait pas d’adversaire; une vérité énoncée en patois ne trouvait pas d’auditeurs. La science devint une collection de grammaires : grammaire du langage, grammaire de logique, grammaire d’éthique, grammaire de l’art; et la langue, l’esprit et l’imagination de la race humaine crurent avoir trouvé leur plus haute et divine mission dans l’étude de la syntaxe et du syllogisme de la perspective et des cinq ordres de colonnes.

De pareilles études ne pouvaient produire que l’orgueil; leurs adeptes pouvaient en être fiers, mais non les aimer. Seule, l’anatomie, fortement creusée pour la première fois, représenta, à cette époque, une véritable science à à laquelle il manqua pourtant aussi l’attrait qui appelle l’affection. Elle devint, à son tour, une source d’orgueil, car le but principal des artistes de la renaissance fut de prouver, dans leurs œuvres, qu’ils connaissaient à fond les principes anatomiques.

[...]

Raphaël, Léonard et Michel-Ange furent, tous trois, élevés à l’ancienne école; leurs maîtres, presque aussi grands qu’eux, connaissaient la véritable mission de l’art et l’avaient remplie; imbus du vieil et profond esprit religieux, ils le communiquèrent à leurs disciples qui, se désaltérant, en même temps, aux vives sources de savoir qui jaillissaient de toutes parts, excitèrent l’admiration universelle. Dans son émerveillement, le monde crut que leur grandeur venait de leur nouvelle science, au lieu de l’attribuer aux anciens principes qui apportaient la vie. Et, depuis lors, on a essayé de produire des Michel-Ange et des Léonard, par l’enseignement aride des sciences et on s’est étonné qu’il n’en apparût pas, sans se rendre compte que ces nobles patriarches tenaient par leurs racines aux grands rochers des siècles passés, et que notre enseignement scientifique d’aujourd’hui consiste à arroser, avec assiduité, des arbres dont toutes les branches ont été coupées.

Et j’ai été généreux pour la science de la Renaissance en admettant que ces grands maîtres en ont profité, car ma conviction, partagée par beaucoup de ceux qui aiment Raphaël, est qu’il peignit mieux alors qu’il savait moins. Michel-Ange fut souvent entrainé dans une vaine et désagréable démonstration de ses connaissances anatomiques qui cache encore à beaucoup de gens son immense puissance; et Léonard gâcha tellement sa vie dans ses travaux d’ingénieur qu’il reste à peine un tableau portant son nom.
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