Tais-toi, tais-toi, tais-toi, en l’écoutant je ne cessais pas de me répéter ces mots, tais-toi, car je ne pouvais plus le supporter, moi aussi je devenais folle, Tiago s’était mis à parler en judéo-espagnol, l’espanyoliko de la grand-mère Ada, de ma famille, la vieille langue que pour comble il ne parlait même pas correctement, tais-toi, et j’étais épouvantée de l’entendre dans sa bouche, disloquée et rageuse, cette langue qui avait été un refuge contre la douleur et la brutalité, la langue d ‘amour des miens, c’était comme de voir qu’on arrachait sa langue à ma propre mère, il n’avait pas le droit de s’approprier ainsi la vie des autres, c’était une imposture, une insulte, rt aucun folie pouvait le justifier.