Le secret
Écoute mon enfant
les verts secrets des branches
et ceux de la sève
qui irrigue l’arbre
Regarde danser l’abeille
perce le secret de cet alchimiste
qui transforme en miel
la poudre d’or des fleurs
Mets ton oreille
contre la mousse du rocher
pour capter le grand secret
des pierres
Cours vite à la mer
et laisse-toi bercer
par le secret du chant
des vagues
Tu dis
Tu dis sable
Et déjà
La mer est à tes pieds.
Tu dis forêt
Et déjà
Les arbres te tendent leurs bras.
Tu dis colline
Et déjà
Le sentier court avec toi vers le sommet.
Tu dis nuage
Et déjà
Un cumulus t’offre la promesse du voyage.
Tu dis poème
Et déjà
Les mots volent et dansent comme étincelles dans la cheminée.
AUTOMNE PRÉCOCE
On parle de vendanges. Les prumes sont douces sous les dents. Les enfants courent jusque dans les bois. Ils disparaissent dans les broussailles, grimpent à l'échelle du mirador.
« Et je tuerai tous les sangliers, mais pas les petits, car ils sont trop mignons », dit, d’une voix déjà assurée, la petite fille.
Nous marchons dans les prés. Nous ramassons des pommes et des poires. La grande rumeur des branches. Psaume d’où s’échappent les feuilles sèches.
L’allure du jour change déjà ; le temps fraîchit. Au cœur du vent, cette odeur d’humus, un goût d’automne. D’automne précoce.
Ecoute mon enfant
les verts secrets des branches
et ceux de la sève
qui irrigue l'arbre
Regarde danser l'abeille
perce le secret de cet alchimiste
qui transforme en miel
la poudre d'or des fleurs
TRANSIS
Sous les horloges de l'histoire
Nous restons figés
Transis comme une terre
Après le bruit des bombes
Le temps a visage de guerre
//inédit 1972
Fortune *
Il y a toujours quelque part
quelqu’un debout devant une porte
inconnu ennemi ami
noir, jaune ou blanc qu’importe
parle pour l’amitié
viens au secours
de celui qui attend
laisse parler le cœur
la porte que tu ouvres
est chance pour lui
chance pour toi
ta générosité est ta fortune
* Ne pas oublier ces quelques mots de Joseph Paul Schneider en ces temps si troubles (si peu Trous bleus) !
Pour toi petite fille
je voudrais écrire
le pli de l'eau
où l'oiseau se mire
dans son ciel de vents
Pour toi
je voudrais dire
l'étoile qui soudain
allume un feu d'eau
dans le flot du torrent
Avec toi je voudrais partir
vers la source
d'où vient la rivière
Ce poème est dédié à ma deuxième petite-fille, née très tôt ce matin...
RENAÎTRE
Extrait 5
Entre vertige et mémoire
Le marcheur revoyait
La maison d’autrefois
Litanie des jours tranquilles
Où êtres et choses
Étaient caresses légères
Sous l’aile du temps
Bonheur fragile
Qui s’efface sous les pas
Où ne brillent plus aujourd’hui
Qu’éclats de miroirs blessés
Oubliés les jours d’enfance
Le temps des amours et des guerres
L’avenir toujours au bout des pas
Effaçant le passé
Le marcheur fixe l’invisible
Où blanchiront ses os
[…]
RENAÎTRE
Extrait 1
Aventurier des profondeurs du noir mêlant
Tes songes de couleurs à la nuit
Qui se noie en lumière
Tu glisses entre éclairs et silence
Vers ces espaces à venir
Qui s’ouvrent sans fin en toi
Jusqu’à l’éclatement de l’image
Et de l’œil
Dans cette calme apocalypse
Tu cueilles comme tu le faisais hier
Aux jardins de Cézanne des astres
Verts, oranges ou bleus aux branches
Du ciel immense de l’éternel inachevé
Pour bouger la vue, renaître semblable
Et différent, dans le geste
Et les couleurs retrouvés
Du premier jour de la création
De terres arpentées
En fleuves longés
La tête pleine de nuages
Le marcheur sentit
Ses pas s’enfoncer dans le sable
[…]
TON IMAGE
La palette de couleurs
Chante et vibre
Dans la lumière ivre
L'absence de pesanteur
Les vagues meurent
Où se noient les couleurs
La mer et le soleil
Sans bruit se mêlent
Il n'y a personne
Sur les mortelles plages
Où seul je frissonne
Sur de hauts rivages
Est-ce encore ton image
O Roi de l'obscur
Qui trouble de son passage
Ma douloureuse lecture ?