EXASPÉRÉE
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Arrêter de boire c'est le divorce entre se pacifier avec soi-même ou se sauver dans les troubles ubuesques de la griserie infernale qui vous enlève tout décence.
Jubiler dans l'indécente liberté minée nerveusement en ouvrant les bouteilles qui finissent en rêverie inachevée.
Gavée de vin, hardiment, j'attends sans volonté de m'écrouler sur le sol. Je deviens en un moment volontaire, à croire que l'exil m'est offert grâce à l'ivresse.
Comment ai-je pu croire moi qui suis une mécréante convaincue ?
Le médecin qui est à la tête de cette organisation se nomme le docteur Palomino. Un homme bouleversant, tant son humanité est grande. Il est de la même trempe que son ami de Paris, Monsieur Hispard. Ces deux hommes sont habités de l'humain comme une femme enceinte, sans jamais accoucher.
Je peux de nouveau me regarder devant ma glace, en déclarant avec une grande éloquence la phrase de Christiane Taubira : "je ne suis sûre de rien, sauf de ne jamais trouver la paix si je m'avisais de bâillonner ma conscience".
RACINE
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Ce père irascible ne voulait jamais accepter joyeusement que sa famille reçoive des camarades afin d'élargir nos relations humaines. Cet être rude, surtout avec ma mère et mes soeurs, jalousait les liens génétiques provenant du terroir maternel. C'est-à-dire la Charente. Il devenait outrancier à travers ses colères; tel un arbre secoué violemment par une tempête. Ses racines noueuses nous projetaient les bulbes de dahlias rouges qui entouraient les arbres du jardin. Cela devenait utile de rester vivante en fuyant ses projections.
Le vin ne vous sort pas de la dépression, il vous prend la main, il vous aide à soulever le coude, seule sur le zinc des bistrots. Même aimée, je me retrouvais seule. La bouteille n'est pas l'amie, elle ne vous appartient pas, c'est un fantôme en amitié. La déficience mentale, physique, où elle nous entraîne, nous conduit à l'ignominie.
Mon corps, fatigué de s'ouvrir, traversait un long voyage cérébral qui commençait à soulager mon mal de vivre, dont l'alcool était le masque. Les mots s'échappaient de mon psychisme afin de rentrer dans une phrase. Cette phrase vous vient naturellement comme un pansement sur une blessure. Blessure présente ou lointaine, qu'importe, il faut la soigner. Sinon le vin, l'alcool remplacera le sang sans pouvoir former le clou hémostatique arrêtant l'hémorragie. L'alcool se glisse dans le labyrinthe fibrineux. Le facteur XIII, stabilisateur de la fibrine (protéine qui intervient lors de la coagulation), est noyé par les flots de vinasse qui inondent vos veines. Votre organisme est désorganisé scientifiquement. La tête est décérébrée, sous cette emprise d'alcoolémie à outrance.
JOSETTE
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Je désire ardemment me défaire de la culpabilité qui s'acharne sur ma personne et m'harasse généreusement dans un état de faiblesse. Ne plus m'indigner contre ma personnalité extravertie.
Accepter que je sois bavarde, théâtrale, c'est de reconnaître mon goût profond des mots qui servent la communication universelle.
Ne plus se sentir coupable de ne pas accepter les personnes qui traînent avec elles le négativisme, qui réactivent la suppression ordinaire de couper liberté.
Il faut que je positive joyeusement ma mémoire en me souvenant de ma sexualité comblée par mon époux. Ce qui m'a permis de ne pas être vulnérable aux demandes de certains hommes.
LUMIERE
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Je veux voir ma vie comme un tableau qui serait coloré de nuances différentes selon les épisodes que j'ai passés. Parfois illuminé d'éclats doux auréolés de halos opalescents, irisés tel le soleil sur la mer. J'ai vécu d'heureux feux d'artifices flamboyants qui montraient la joie de vivre.
Dans les parties de mon tableau, soudain, des tons goldens annonçaient la pâleur d'un événement unique et douloureux. Les traits devenaient blafards apportant une autre luminosité qui se transformerait en couleurs rougeoyantes afin d'exprimer l'amour très fort dont je suis capable avec les miens.
Une main tendue et c'est le bonheur de la liberté retrouvée. Ce qui nous semblait impossible précédemment : la sobriété vous éclate en pleine figure tel un rayon laser. La rudesse de se retrouver soi-même n'est pas aisée. Ce face-à-face perdu dans les méandres de nos mémoires va être prégnant cérébralement. Vous allez faire une pirouette intellectuelle. Vos neurones se regonfleront afin de vous aider à reprendre pied, à loger dans votre coquillage cérébral. La résilience de vos faits et gestes d'alcoolique s'effectuera naturellement.
La peur anéantissait mon souffle de vie. Depuis cette enfance, je cherche les mots porteurs de raisonnement intelligent, c'est-à-dire porteurs d'un fondement scientifique. Hélas, le tourbillon creusé en moi par la peur du vide, voire de la bêtise, s'échappe de mon être, en laissant capter mes ondes de grandes faiblesses. J'ai beaucoup souffert sur les routes de mon existence, des colères cruelles, injustifiées vis--vis de ma personne. Impossible de réagir, de me dépêtrer. J'étais figée de peur, d'asthme... au choix.