Dans la nuit
(Insomnie)
Ah! j’entendrai toujours ce lointain aboiement.
- Un chien maigre perdu par les landes sans borne,
Vers les nuages fous qui courent au ciel morne,
Dans l’averse et la nuit ulule longuement,
*
Ils dorment, font l’amour ou chantent après boire
Ou comptent leurs écus, les vivants sans mémoire,
Et nul ne veut pleurer les douleurs de l’Histoire,
*
Avez-vous entendu? oh ! ce cri déchirant,
- C’est le sifflet aigu, désolé, solitaire
D’un train noir de damnés qui va dans le mystère
Des pays inconnus, à jamais s’engouffrant,
*
Ils dorment, font l’amour ou chantent après boire
Ou comptent leurs écus, les vivants sans mémoire.
Et nul ne veut pleurer les douleurs de l’Histoire.
*
Qui pleure ainsi? Mon cœur voudrait se dégonfler
- Ah ! je te reconnais, ô triste vent d’automne
Qui sanglote sans fin ta plainte monotone
Toi que rien ici-bas ne peut plus consoler,
*
Il dorment, font l’amour ou chantent après boire
Ou comptent leurs écus, les vivants sans mémoire.
Et nul ne veut pleurer les douleurs de l’Histoire,
*
Oh! ce refrain poignant que j’entends dans la nuit
- C’est un bal, fleurs, cristaux, toilettes et lumières.
Le vent rit dans les pins qui donneront des bières
A ces couples fardés qui sautent aujourd’hui.
*
Nul ne veut donc pleurer les douleurs de l’Histoire!
Dans cent ans vous serez tous en la fosse noire.
Loin des refrains de bal des vivants sans mémoire.