J'aime les pierres
Les lisses comme des cheveux
Les bleus comme des yeux
Et les rondes qui font penser
aux joues des oiseaux
C'est peut-être un morceau d'étoile,
une pierre,
un morceau de coeur, peut-être...
J'admire et j'écoute.
(" Les poèmes ont des oreilles")
Puisqu'ils…
Puisqu'ils ont mis
des murs partout
Puisqu'ils
détruisent tout
Puisqu'ils
salissent tout
Je me servirais de
tout, des murs et
des trous
quand même !
Puisqu'ils
S'obstinent à rayer
le mot poésie
Résistons !
DEMAIN VIENDRA...
Demain viendra avec ses deux ou trois sacs de courrier.
Il y aura tout plein de journaux.
Il y aura plusieurs centaines de lettres.
Et mon camarade et moi trierons ces journaux là ;
et ces lettres-là nous passeront dans les mains
une à une
une après l’autre.
Nous emplirons nos sacs
et nous irons dans la pluie
de porte en porte
pendant des heures et des heures
distribuer les lettres et les journaux,
les centaines de lettres et le gros tas de journaux.
Avec le large ciré noir sur mes épaules
dans la campagne triste
je ressemblerai à un oiseau qui lutte contre le vent et la pluie
je ressemblerai à un oiseau mouillé qui bat des ailes
désespérément.
Mon cœur battra très fort
car chaque jour je dois appuyer très fort
sur les pédales de mon vélo.
Je ne saluerai plus les herbes
les herbes mouillées sont des ennemies
je ne saluerai plus les arbres
les arbres farouches et noirs, comme des diables
sur l’horizon.
Va, va picorer le ciel…
Va, va picorer le ciel
dis-leur, là-haut, qu’il fait nuit sur terre, va.
Rafraîchis la mémoire
des anges, des saints et des apôtres.
Il y a du sang dans les sillons
et du plomb dans les cervelles.
Est-ce trop demander
un peu de ciel sur la terre ?
Va.
Dis au bon dieu :
Vous savez, Monsieur, on commence
à vous trouver mauvais,
quoi, il vous faut de la souffrance,
quoi, il vous faut du sang !
Venez, venez donc un peu,
un jour ou deux
chasser les méchants.
Vrai, qu’est-ce qu’on vous a fait, nous autres
revenez vite, il est temps,
les voleurs sont là, les assassins sont là,
qu’est-ce que vous attendez,
qu’est-ce que vous attendez ?
VISION
Les longs serpents de feu
Les dragons ressuscités
Le diable
L’enfer
Les cris des damnés
C’est l’usine.
L’odeur des cendres chaudes
De la suie
Du suif
De l’acide
De l’huile chaude,
L’odeur du cuir
Et du métal
Et celle de l’homme :
C’est l’usine.
Le feu qu’on étire
La meule émeri qui rage
La chanson des limes douces
Les sifflements électriques
Voilà l’usine.
Des compagnons en haillons
Des hommes noirs
Des apprentis pâlots
Des manœuvres
Et puis ma mère
Entre les courroies
AU JOUR LE JOUR
Extrait 5
À Digne, l'été, on est encore dehors après le coucher du soleil. C'est tout naturel, il fait bon. On compte ses pas le long de la Bléone. On déambule jusqu'au Pigeonnier, parce que là, un courant d'air tombe des Dourbes.
Sous les platanes du Boulevard, les commerçants tirent les chaises. Pendant ce temps, comme chaque nuit, le ciel multiplie les étoiles.
La CAFOUILLARDE
La CAFOUILLARDE, l'Isabelle, oui, dans sa masure, là, au bout de la rue (où s'étale la rigole) la Cafouillarde est morte.
Comme ça.
C'est le facteur qui a alerté la population (il tenait toujours son catalogue de la GRANDE SEMAINE DU BLANC) il disait, disait ? non, il hurlait : « allez vite chez Cafouillarde, je crois qu'elle est morte. »
Tu penses, ç'a été la bousculade ! Les retardataires grimpaient sur des épaules. Je ne sais qui a placé le cadavre tout froid sur le matelas. Mais il se trouvait là, enfin, et tellement pâle, dépeigné (les yeux, blancs, pas tout à fait fermés).
A midi, on a chassé les chiens, et le village est allé casser la croûte.
…
Le ciel appartient à celui qui le prend.
Voilà tout !
JE REPETE ICI...
À Jacqueline et Jean Mascaux
Je répète ici que les villages bas-alpins ont des noms sucrés,
veloutés et caressants.
Tenez, Simiane.
Et Soleilhas.
Reillanne, là.
Manosque nous tend sa main.
Il y a de l’oiseau dans Méolans.
J’aimerais écouter Mozart à Valsaintes.
LA FRANCE ENTIÈRE NE POSSÈDE QU’UN PIERREVERT.
Ô, Taulanne, et toi Castellane !
Les Omergues, dites ?
Et Valensole, encore.
Dans votre film murmurez
le nom des villages qui chantent.
Au jour le jour
Voici. Un homme déguisé vient "me voir" pour me demander des comptes.
Il est assez drôle
avec sa cravate
et son faux-col
et sa serviette.
-Je suis chef de bureau, qu'il me dit.
(Zut, moi qui ai envie d'aller visiter un nid de chardonnerets à la Halourde !)
- Bonjour Bureau, comment va ta cravate que je réponds.