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Critiques de Julie Boulanger (2)
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Albertine ou La férocité des orchidées

Respecter les contraintes de la littérature érotique tout en cherchant à sortir du cadre que les éditions Harlequin ont réussi à imposer à ce chaînon de l’industrie du livre peut s’avérer un pari difficile. La nécessité de devoir multiplier les scènes d’amour torride – que ce soit avec un seul, ou plusieurs partenaires – laisse ordinairement peu de place au développement d’une écriture susceptible de révéler plusieurs facettes de la protagoniste. Situations obligent, son profil psychologique correspond donc le plus souvent à un petit nombre de stéréotypes issus de l’imaginaire pictural symboliste ou de la poésie décadente, lesquels se plaisaient à mettre en scène des femmes fatales succombant au charme d’un beau jeune homme pour leur plus grand malheur.



Depuis lors, les romans dits « de gare » ont remplacé les drames existentiels fin-de-siècle par des happy ends afin de mieux satisfaire les désirs hypothétiques d’un lectorat féminin en quête de réconfort amoureux. Reste que l’image qui se dégage du désir de la femme dans cette tradition discursive parvient très rarement à détourner les normes patriarcales qui font de la sexualité féminine un « problème » à résoudre. Pour le dire simplement, la femme en proie au désir est soit une obsédée, soit une novice en proie à ses premiers émois ; et, dans un cas comme dans l’autre, la force de sa passion en fait une créature à la fois dangereuse et vulnérable qu’il convient de domestiquer à travers les liens d’une union monogame, pour éviter les morts tragiques.



Considérant la lignée dans laquelle s’inscrit le premier roman de Julie Boulanger et d’Amélie Paquet, je trouve que cette collaboration littéraire s’est avérée pour tout dire rafraîchissante. Il est vrai qu’Albertine, trentenaire nymphomane souffrant d’un manque de confiance en soi, de crises de nerfs chroniques et d’une petite tendance à l’alcoolisme, reprend volontiers certains stéréotypes fin-de-siècle, ce dont les romancières ne se cachent pas, comme en témoignent les « crédits » accordés entre autres, à la fin du livre, à des œuvres comme les Fleurs du mal de Baudelaire et À rebours de Huysmans. Toutefois, la protagoniste Albertine Bouquet n’aligne pas seulement les parties de jambes en l’air, puisque l’œuvre met également en scène les tribulations de sa vie professionnelle, ce qui permet au lectorat de la percevoir autrement que comme un « corps désirant ». Auteure d’un blog érotique qui bénéficie d’une certaine notoriété, elle gagne sa vie en tant que factotum d’une femme politique aux opinions controversées ; déniche un contrat avec une maison d’édition pour écrire la biographie d’une femme d’affaires avec laquelle elle ne partage aucune affinité, et finit par projeter d’écrire une série de documentaires chocs sur la sexualité avec une vedette du petit écran dont elle tombe amoureuse. C’est dire si l’intrigue déborde du cadre étroit de l’« histoire d’amour qui finit bien ».



Sur le plan stylistique, la juxtaposition des registres langagiers, qui va du pastiche des Liaisons dangereuses jusqu’aux discussions d’ivrognes dans des bars d’Hochelaga-Maisonneuve, témoigne globalement d’une écriture maîtrisée, même si les citations qui sont insérées en italiques dans le corps même du texte – comme « À vaincre sans péril on triomphe sans gloire » de Pierre Corneille (Cid, II, 2), qui revient plusieurs fois – contreviennent quelquefois à la fluidité de la lecture. Celles-ci relèvent cependant de clins d’œil et non d’imitations involontaires, ce qui témoigne de l’effort que Boulanger et Paquet ont visiblement investi dans ce livre pour échapper au schéma narratif que j’ai évoqué ci-haut. Sans réinventer la roue, elles ont réussi à mon avis le pari qui consistait à parler, d’un ton léger, de la sexualité féminine tout en faisant un pied-de-nez au male gaze.



Il m’a surtout plu de découvrir dans ce roman plusieurs figures féminines fortes qui n’étaient pourtant pas des saintes, comme en témoigne l’exemple de la femme d’affaires Gisèle Roy. Cette dernière profite en effet de la position de pouvoir qu’elle exerce sur la protagoniste pour l’entraîner dans des relations sexuelles non consenties. Or, comme le fait comprendre Albertine à l’un de ses partenaires, ce n’est pas parce qu’elle est une « fille facile » qui se plaît à multiplier le nombre de ses conquêtes qu’elle doit accepter de s’exposer à du harcèlement sexuel :



Je me suis levée d’un coup et j’ai lancé mon smoothie aux bleuets sur son lit. Adieu, les draps blancs! (…) Je n’avais pas envie d’entendre qu’au nombre de personnes avec qui je couchais, c’était difficile de me croire lorsque je dis que je me suis peut-être ramassée contre mon gré dans une relation sexuelle. J’ai couru jusqu’à la porte. En sortant de chez lui, j’ai versé une larme en réalisant que c’était la dernière fois que je voyais [sa chatte] Lara Croft. (p. 214)



Il ne reste qu’à espérer que de tels romans parviennent à imposer de nouveaux standards dans l’industrie de la littérature érotique.
Lien : https://mirunatarcau.wixsite..
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Albertine ou La férocité des orchidées

Le commencement m’a déconcerté. J’étais un peu désorientée, confuse. Puis, à travers les pages j’ai commencé à vraiment m’attacher aux personnages. Très réaliste, moderne, québécois et mature comme contenu. Surprenant aux premiers abords mais vraiment bien écrit tout au long. Une très belle expérience de lecture !







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