Julie Vachon

Travailleur acharné et sans scrupules, il s’était entouré d’agents recruteurs qui engageaient à des salaires misérables, et souvent dans la violence, des paysans africains traités comme des esclaves. Grâce à sa gestion tyrannique, il avait réussi à se tailler rapidement une place honorable dans la commercialisation de la pierre précieuse.
Sa maxime favorite étant «tout homme a un prix», il s’était vendu à son compétiteur, qui, heureux de se débarrasser de ce caillou dans son soulier, avait payé ses parts à un prix d’or.

Décrire Kate n’était pas chose aisée. C’était un être à la personnalité complexe, capable des pires choses, mais aussi des meilleures. Il finit par dire:
— C’était une femme de tempérament et elle était très dure en affaires. Elle était autoritaire et exigeante envers les autres autant qu’envers elle-même, d’ailleurs. Mais elle savait jauger d’un seul coup d’œil les caractères et les motivations des gens qui l’entouraient. Bien qu’elle ait hérité de la société au même titre que ses deux frères, c’est elle que son père avait désignée pour gérer l’entreprise.

Je suis très attirée par les gens et leurs différences, ce qui fait qu’un peuple diffère d’un autre… Ce sont peut-être mes racines multiculturelles qui m’ont naturellement amenée à m’intéresser à mes semblables…

Elle avait terminé à Paris des études en anthropologie avant de déménager à Washington où elle avait fait un stage. Sa thèse portait sur les mœurs, religions et autres aspects symboliques des peuples colonisés, mais son travail actuel à l’Institut d’anthropologie de Washington consistait à assister les autorités fédérales dans la gestion de leurs relations avec les pays étrangers, que ce soit au niveau diplomatique, culturel ou commercial. Elle avait entretenu Jake de la différence entre les méthodes de négociation d’un Algérien et celles d’un Japonais ou d’un Américain. Une poignée de main ne signifiait pas la même chose d’un pays à l’autre, d’où l’importance de s’imprégner de la culture commerciale d’un pays avant de s’y s’implanter.

Elle s’était toujours sentie plus près des hommes que des femmes. Élevée seule au milieu de deux frères turbulents et compétitifs pour qui chaque activité devenait l’occasion de se démarquer, de gagner, de vaincre, elle n’avait pu faire autrement que s’adapter.
Désavantagée physiquement, elle avait dû user de finesse, de rapidité et d’esprit. Elle avait développé un solide sens de l’argumentation et excellait dans l’art du bluff. Et malgré son sale caractère, ses frères l’adoraient. Car elle pouvait aussi être drôle, vive et chaleureuse avec les siens.