Julien Bondaz

"Les coiffes touchent à l'intime. Elles complètent le corps, ornent le visage, le transforment ou le masquent. Elles sont portes pour soi ou pour être vues par l'autre, ouvrent un dialogue ou traduisent une différence sociale. Leur fonction est utilitaire ou symbolique."

Les magies ont en commun d'être de l'ordre non de l'imaginaire ou de la croyance mais de la pratique : elles constituent des techniques d'intervention sur le réel. Elles impliquent donc différents savoir-faire, l'usage de gestes et de paroles spécifiques.

Le fait que ces pratiques magiques aient perduré à travers l'histoire et continuent de s'observer dans toutes les sociétés ne peut s'expliquer par une incrédulité universellement partagée, mais par les effets qu'elles ont sur la vie des gens.

Cela ne signifie pas que leur efficacité soit surnaturelles. Elle s'explique au contraire par le pouvoir évocateur et symbolique des gestes, des paroles, de la musique, des objets manipulés, et plus largement par le caractère pluri-sensoriel des rituels, qui crée les conditions d'une action modifiant l'état d'esprit des gens plutôt que leur vie.

Le terme "magie" vient du grec mageia, qui désignait la religion des mages perses, étrangère et barbare aux yeux des grecs. Dès son origine donc, le mot a servi à opposer des pratiques religieuses entre elles, la notion de magie étant employée pour discréditer la religion des autres.
Avec l'apparition et la diffusion des monothéismes, cette notion s'est en grande partie construite par opposition à une conception religieuse reposant sur l'idée de salut. Alors que, dans les religions monothéistes, les bienfaits relèveraient d'une promesse concernant l'au-delà, dans les pratiques magiques, l'objectif serait d'agir ici-bas.

Aux trois pointes d'un triangle se jaugeant à distance, magies, sciences et religions sont filles d'un même désir fondateur des humains d'expliquer le monde, de penser l'invisible et d'agir sur les éléments. D'où cette porosité des frontières entre elles qui a prévalu dans l'histoire, et qui a fluctué jusqu'à nos jours en fonction des rapports de pouvoirs, de l'état des connaissances et des croyances, des intérêts identitaires et politiques. Tout à tour admirée, disqualifiée, accusée et parfois revalorisée, la magie s'est installée à la croisée des croyances et des savoirs, nouant avec les sciences et les religions des relations parfois en résonance, parfois en concurrence.
Dans le monde occidental contemporain qui revendique des fondements nationalistes, elle est restée intégrée aux imaginaires culturels et elle a survécu comme source sous-jacente d'enchantement du réel, prête à toutes les résurgences.