AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Julien Teyssandier (3)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Arvo Pärt

Aline, c'est d'abord une chanson de 1975 de Christophe :



« J'avais dessiné sur le sable

Son doux visage qui me souriait

Puis il a plu sur cette plage

Dans cet orage, elle a disparu

Et j'ai crié, crié, Aline, pour qu'elle revienne

Et j'ai pleuré, pleuré, oh! j'avais trop de peine

Je me suis assis près de son âme

Mais la belle dame s'était enfuie

Je l'ai cherchée sans plus y croire

Et sans un espoir, pour me guider

Et j'ai crié, crié, Aline, pour qu'elle revienne

Et j'ai pleuré, pleuré, oh! j'avais trop de peine

Je n'ai gardé que ce doux visage

Comme une épave sur le sable mouillé

Et j'ai crié, crié, Aline, pour qu'elle revienne

Et j'ai pleuré, pleuré, oh! j'avais trop de peine

Et j'ai crié, crié, Aline, pour qu'elle revienne

Et j'ai pleuré, pleuré, oh! j'avais trop de peine »



Alina (Aline), c'est ensuite la jeune fille à laquelle le compositeur estonien Arvo Pärt dédiera en 1976 une oeuvre majeure composée pour piano, « Für Alina ». Cette oeuvre est majeure car elle introduit le style tintinnabuli - qui vient des cloches et clochettes, les tintinnabules, que les Romains mettaient à l'entrée de leurs demeures et que l'on retrouve dans la liturgie catholique - créé par Arvo Pärt et développé également dans deux autres pièces, «  Fratres « (1977), et «  Spiegel im Spiegel « (1978) - le tout sera regroupé sous l'album « Alina ».



Dans le premier livre de Julien Teyssandier, musicien de formation et critique littéraire, il n'est pas question de la « Aline » de Christophe mais d'une autre femme Jaanika, une estionnenne avec laquelle l'auteur vit une relation amoureuse. Il est aussi question du « bleu de Tallinn », de la Baltique, de la « Curieuse Estonie qui n'appartient ni à la Russie depuis que l'empire soviétique est mort, ni aux pays baltes en raison de sa langue finno-ougrienne » (p. 45) et surtout d'Arvo Pärt. de sa musique d'Arvo Pärt, le minimalisme et le (style) tintinnabuli, de ses difficultés avec le régime à l'époque du communisme, de son exil - auquel Pärt et sa famille devront se résoudre en 1980 et qui les mèneront en Autriche.




Julien Teyssandier écrit «  L'oeuvre d'Arvo Pärt, en dépit de son unité, n'est pas linéaire. Elle est faite de ruptures, de reprises, de variations. Un peu comme ce que j'écris sur lui » (p. 185) Son livre n'est pas une biographie, ni un livre académique sur la musique d'Arvo Pärt - voir le livre que Leopold Brauneiss et Enzo Restagno lui consacre pour cela - mais davantage une réflexion sur la musique du compositeur estonien, sur ce qu'elle suggère et provoque sur l'auditeur et également sur la création - « La musique d'Arvo Pärt m'a révélé ce que devrait être la création - une forme d'oubli de soi que je croyais avoir pratiqué jusque-là mais qui m'était en fait inaccessible, comme le prouve mon exil estonien, mes cahiers sans la moindre ligne romanesque » (p. 225).



Très beau (premier) livre* - quelques formules résonnent comme des aphorismes : « On ne peut pas écouter n'importe quoi après un morceau d'Arvo Pärt. Souvent je n'écoute rien. (p. 147) », « Les choses deviennent floues de ne pas avoir été écrites. » (p. 217), « La musique, il ne faut pas l'oublier, est un art du perdu. » (p. 216) -, sur la musique en général et d'autres arts, sur Arvo Pärt, sur l'Estonie, sur l'exil - il est aussi une espèce d'exil estonien pour l'auteur parti en Estonie pour écrire un livre qui se refuse à lui -, le livre de Julien Teyssandier est à lire en écoutant quelques pièces de Pärt ou en silence - ce qui est également du Pärt : « Il y a, chez Arvo Pärt comme chez Tarkovski, la même fascination pour le silence, le même besoin de partir des choses écrites avant soi. »



* Il a été récompensé du prix Pelléas* qui est attribué à « l'ouvrage sur la musique aux plus belles qualités littéraires ». Entre autres, le pianiste de jazz Laurent de Wilde et l'écrivain Benoît Duteurtre en ont été les (deux premiers) lauréats.
Commenter  J’apprécie          110
Arvo Pärt

Le livre ne se veut pas une critique musicale, avec la rigueur qu'on attend d'un spécialiste, ni l'analyse de la vision musicale d'Arvo Part, mais plutôt un témoignage intime du rapport que l'auteur entretien avec cette musique, raconté à travers son exile temporaire en Estonie. Un regard sur Tallinn avec son ciel bleu, qui renvoie toujours à la chromatique du silence dans la musique d'Arvo Part, telle qu'elle est vue par l'ecrivain.



Il suffit d'avoir écouté seulement quelques compositions d'Arvo pour concorder à l'emotion et au bouleversement qui transparaissent du livre. Mais très souvent, on ne connait que l'Arvo du silence et du chant grégorien ramené dans la contemporanéité. Ce livre a le don de nous dévoiler cet Arvo de la dodécaphonie, avec des réferences précieuses comme Perpetuum mobile ou Pro et Contra et des influences de Luigi Nono ou Luciano Berio. On découvre ainsi que la transition (inconsciente à cette epoque-là) vers son nouveau style se produit avec la Symphonie numéro 3 et la rupture totale avec Für Alina.



Malgré certaines descriptions un peu lourdes dans leur lyrisme et des références artistiques qui peuvent parfois lasser (l'auteur tente même de se justifier), le livre réussit à dresser le portrait d'une musique qui se sert du silence et qui morcelle le temps pour le reconfigurer.
Commenter  J’apprécie          80
Ceux qui voudraient fuir

La génération sans liens



Ce bref roman au souffle poétique nous plonge dans le vide métaphysique de deux jeunes parisiens : Gabriel et Marion, entre fuite permanente, insensibilité, fragilité et goût à rien.



« 𝐼𝑙 𝑝𝑟𝑒́𝑓𝑒́𝑟𝑎𝑖𝑡 𝑟𝑒𝑠𝑡𝑒𝑟 𝑠𝑒𝑢𝑙, 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑠𝑜𝑛 ℎ𝑎𝑣𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑠𝑜𝑚𝑚𝑒𝑖𝑙 𝑒𝑡 𝑑’𝑜𝑢𝑏𝑙𝑖. »



Gabriel est fermé à tout, insensible et sans attaches (ni famille, ni amis véritables), sa vie passe comme les trains qu’il regarde depuis la fenêtre de son appartement impersonnel, où s’écoule l’essentiel de son temps. Des femmes vont et viennent dans sa vie, sans qu’il puisse les retenir, peut-être par manque de volonté, peut-être parce qu’elles aussi en sont incapables.



Il vit entouré par la mort : depuis quelques années, il travaille à l’Institut médico-légal, en tant que médecin légiste. Il étudie des planches anatomiques chez lui et chaque matin est indissociable de l’odeur de javel et de formol dont les cadavres sont recouverts.



« 𝐼𝑙 𝑛𝑒 𝑐𝑟𝑜𝑦𝑎𝑖𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑎𝑢 𝑚𝑜𝑛𝑑𝑒, 𝑖𝑙 𝑛’𝑦 𝑎𝑣𝑎𝑖𝑡 𝑗𝑎𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑐𝑟𝑢. 𝐿𝑒𝑠 𝑐ℎ𝑜𝑠𝑒𝑠 𝑛’𝑒́𝑡𝑎𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑟𝑒𝑙𝑖𝑒́𝑒𝑠 𝑒𝑛𝑡𝑟𝑒 𝑒𝑙𝑙𝑒𝑠, 𝑒𝑙𝑙𝑒𝑠 𝑓𝑙𝑜𝑡𝑡𝑎𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑖𝑛𝑑𝑖𝑓𝑓𝑒́𝑟𝑒𝑚𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑎̀ 𝑙𝑎 𝑠𝑢𝑟𝑓𝑎𝑐𝑒 𝑑𝑢 𝑟𝑒́𝑒𝑙 𝑒𝑡 𝑖𝑙 𝑙𝑢𝑖 𝑒́𝑡𝑎𝑖𝑡 𝑖𝑚𝑝𝑜𝑠𝑠𝑖𝑏𝑙𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝑒́𝑡𝑟𝑒𝑖𝑛𝑑𝑟𝑒 »



Chaque jour il effectue les mêmes déplacements, les mêmes marches dans la ville. Il rencontre Marion au cours d’une de ses errances dans Paris. Etudiante puis intermittente dans le cinéma, elle passe sa vie dans d’innombrables fêtes sans joie. Débris du milieu du cinéma fait de vacuité et d’égoïsme, elle écume les soirées dans un état second, portée par l’héroïne qu’elle consomme pour tenir. Solitaire et entourée d’amis qui n’en sont pas, elle est moins concernée par son bien-être que par son monde superficiel où la drogue tient la première place.



« 𝐶ℎ𝑎𝑞𝑢𝑒 𝑓𝑜𝑖𝑠 𝑞𝑢𝑒 𝑀𝑎𝑟𝑖𝑜𝑛 𝑟𝑒𝑣𝑒𝑛𝑎𝑖𝑡 𝑎𝑢 𝑟𝑒́𝑒𝑙, 𝑙𝑒 𝑣𝑖𝑑𝑒 𝑞𝑢𝑖 𝑠’𝑜𝑢𝑣𝑟𝑎𝑖𝑡 𝑑𝑒𝑣𝑎𝑛𝑡 𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑙𝑎 𝑡𝑒𝑟𝑟𝑖𝑓𝑖𝑎𝑖𝑡 [--] 𝑒𝑡 𝑐ℎ𝑎𝑞𝑢𝑒 𝑓𝑜𝑖𝑠 𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑒́𝑝𝑟𝑜𝑢𝑣𝑎𝑖𝑡 𝑙𝑒 𝑏𝑒𝑠𝑜𝑖𝑛 𝑑𝑒 𝑟𝑒𝑝𝑟𝑒𝑛𝑑𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑑𝑟𝑜𝑔𝑢𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑦 𝑒́𝑐ℎ𝑎𝑝𝑝𝑒𝑟. »



Les deux personnages dérivent et dans cette fuite immobile une amitié se noue. Nous suivons ces deux inadaptés, dans leur parcours d’enfants tristes et leur vide métaphysique qu’ils essaieront de combler. Ils s’égarent ensemble dans Paris, âmes urbaines en errance, environnés par le néant. La ville-monde est l’endroit parfait pour se cacher de l’humanité. Gabriel essaiera d’aider Marion, de la sauver de ses addictions et de son autodestruction, autant pour elle que pour lui.



Roman sensible qui aborde la modernité finissante et une génération sans idéaux ni but, 𝑪𝒆𝒖𝒙 𝒒𝒖𝒊 𝒗𝒐𝒖𝒅𝒓𝒂𝒊𝒆𝒏𝒕 𝒇𝒖𝒊𝒓 tentent de sortir de leur solitude, y parviendront-ils ?



Ce premier roman réussi de Julien Teyssandier - Auteur est édité par les Editions Nouvelle Marge.
Lien : https://www.facebook.com/pho..
Commenter  J’apprécie          00


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Julien Teyssandier (10)Voir plus

Quiz Voir plus

le 14ème poisson rouge

Comment s'appelle le poisson rouge?

Némo
Oscar
Bubulle
Il n'a pas de prénom

9 questions
8 lecteurs ont répondu
Thème : Le quatorzième poisson rouge de Jennifer HolmCréer un quiz sur cet auteur

{* *}