Julien Zurbach

Pourquoi Minos ?

La très longue période que couvre le présent ouvrage mérite quelques explications, d'autant que, si elle est associée à une figure historique mémorable de la cité d'Athènes, Solon, elle l'est aussi à un personnage auréolé de légende : Minos. Désireux de prouver sa légitimité à succéder à son père adoptif, ce dernier avait soutenu que les dieux, auxquels il devait la royauté, réaliseraient tout ce qu'il leur demanderait. Aussi pria-t-il Poséidon de faire surgir de la mer un taureau exceptionnel Minos, rappelons-le, était le fils d'Europe, elle-même fille du roi de Phénicie, et de Zeus, qui l'avait enlevée et conduite jusqu'en Crète, métamorphosé en « un aimable taureau à l'haleine de rose».

Si Poséidon exauça sans peine la demande du souverain, celui-ci, subjugué par le magnifique animal blanc qui, sous ses yeux, avait jailli des flots, manqua à sa promesse de le sacrifier au dieu, lui offrant en échange un autre taureau de son troupeau. Moment d'égarement ô combien fautif ! La punition divine ne fut pas longue à venir : Pasiphaé, l'épouse de Minos, s'éprit de la bête splendide, s'accoupla à elle grâce à une vache en bois spécialement conçue pour qu'elle pût s'y glisser par un ingénieux artisan nommé Dédale. Le célèbre Minotaure naquit de leurs amours coupables, avec un corps d'homme et une tête taurine ; sur ordre du roi, il fut élevé et enfermé à l'intérieur du labyrinthe, qu'avait encore réalisé Dédale. La suite de l'histoire est tout aussi connue et ne tient qu'à un fil... celui de la pelote qu'en plus d'une épée, Ariane, la fille de Minos, procura à Thésée, dont elle était tombée amoureuse. C'est en le déroulant à l'aller et en le tirant au retour en sens inverse que le fils du roi athénien, Égée, réussit non seulement à accomplir sa mission (tuer le monstre qu'Athènes devait contribuer à nourrir, en lui dépêchant périodiquement le fleuron de sa jeunesse), mais également à ressortir vivant du redoutable labyrinthe.

(INCIPIT)

En fait, la stricte séparation entre mythe et histoire n'a pas grand sens en Grèce ancienne où les récits mythiques peuvent s'inspirer de la réalité, et où la conception du temps diffère de la nôtre. Certains événements considérés de nos jours comme mythiques et d'autres comme historiques sont cités dans un parfait continuum par les auteurs anciens.

Ce qu'on en retient couramment est que les Mycéniens étaient des Grecs, ce qui demande certainement à être nuancé. Rien ne permet de dire qu'il exista un jour un ensemble ethnique comme «les Mycéniens», au sens où les locuteurs de cette forme de grec auraient eu conscience d'appartenir (ou auraient cru appartenir) à un même peuple, partageant une même histoire. Les études récentes sur l'apparition d'une conscience commune aux Hellènes soulignent plutôt ce que les textes de l'épopée laissent apercevoir ; l'identité collective des Grecs de l'époque homérique se situe au niveau régional. Il y a des Thessaliens, des Athéniens, des Béotiens, et ils ne sont rassemblés sous diverses catégories, Achéens ou Danaens essentiellement que lorsqu'il leur a fallu s'opposer aux Troyens.