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Citation de enkidu_


Au lieu des unités traditionnelles — des corps particuliers, des ordres, des castes ou classes fonctionnelles, des corporations — articulations auxquelles chacun se sentait lié en fonction d’un principe supra-individuel qui informait sa vie entière en lui donnant un sens et une orientation spécifique, on a aujourd’hui des associations exclusivement dominées par les intérêts matériels des individus qui ne s’unissent que sur cette base : syndicats, organisations professionnelles, partis. L’état informe des peuples, devenus de simples masses, est tel qu’il n’y a pas d’ordre possible qui n’ait un caractère nécessairement centralisateur et coercitif. Et les inévitables structures centralisatrices hypertrophiques des États modernes, multipliant les interventions et les restrictions, alors même que l’on proclame les libertés démocratiques, si elles empêchent un désordre complet, tendent, en revanche, à détruire ce qui peut subsister de liens et d’unité organiques; la limite de ce nivellement social est atteinte avec les formes ouvertement totalitaires.

D’autre part, l’absurdité propre au système de la vie moderne est crûment mise en évidence dans les aspects économiques, qui la déterminent désormais d’une manière absolue et régressive. D’un côté, on est décidément passé d’une économie du nécessaire à une économie du superflu, dont une des causes est la surproduction et le progrès de la technique industrielle. Mais, pour que les produits fabriqués puissent s’écouler, la sur­production exige que l’on alimente ou suscite dans les masses un maximum de besoins : besoins auxquels correspond, à mesure qu’ils deviennent habituels et « normaux », un conditionnement croissant de l’individu. Le premier facteur, ici, c’est donc la nature même du processus productif qui, dissocié, s’est emballé et a presque débordé l’homme moderne comme un « géant déchaîné » incapable de s’arrêter, et justifiant la formule : Fiat productif, pereat homo! (Werner Sombart). Et si, dans le régime capitaliste, les facteurs qui agissent dans ce sens sont non seulement la recherche cupide des profits et des dividendes, mais aussi la nécessité objective de réinvestir les capitaux pour empêcher qu’un engorgement ne paralyse tout le système, une autre cause, plus générale, de l’augmentation insensée de la production dans le sens d’une économie du superflu, réside dans la nécessité d’employer la main-d’œuvre pour lutter contre le chômage : si bien que le principe de la surproduction et de l’industrialisation à outrance, de nécessité interne du capitalisme privé, est devenu, dans beaucoup d’États, une directive précise de la politique sociale planifiée. Ainsi se referme un cercle vicieux, dans un sens opposé à celui d’un système équilibré, de processus bien contenus entre des limites rationnelles. (pp. 219-221)
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