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Citation de enkidu_


La science moderne tout entière n’a pas la moindre valeur de connaissance; elle se fonde même sur une renonciation formelle à la connaissance au sens vrai du terme. La force motrice et organisatrice de la science moderne ne découle pas, en effet, de l’idéal de la connaissance, mais exclusivement de l’exigence pratique, on pourrait même dire de la volonté de puissance appliquée aux choses, à la nature. Qu’on nous comprenne bien : nous ne parlons pas ici des applications techniques et industrielles, bien qu’il soit évident que la science leur doive principalement son prestige aux yeux des masses, parce que l’on y voit une sorte de preuve péremptoire de sa validité. Il s’agit, au contraire, de la nature même des procédés scientifiques dans la phase qui précède les applications techniques, la phase dite de « recherche pure ». En effet, la notion même de « vérité » au sens traditionnel est étrangère à la science moderne; celle-ci s’intéresse uniquement à des hypothèses et à des formules permettant de prévoir avec le plus d’exactitude possible les cours des phénomènes, et de les ramener à une certaine unité. Et comme il n’est pas question de « vérité », comme il s’agit moins de voir que de « toucher », la notion de certitude dans la science moderne se réduit à celle de la « plus grande probabilité » : que toutes les certitudes scientifiques aient un caractère exclusivement « statistique », les hommes de science le reconnaissent ouvertement, et dans la toute dernière physique des particules, plus catégoriquement que jamais, le système de la science n’est qu’un filet qui se resserre toujours plus autour d’un quid qui, en soi, reste incompréhensible, à seule fin de pouvoir le maîtriser en vue de buts pratiques.

Ces buts pratiques — répétons-le — ne concernent que dans un second temps les applications techniques; ils servent de critère dans le domaine même qui devrait être celui de la connaissance pure, en ce sens que, même ici, la tendance fondamentale est de schématiser, d’ordonner la matière des phénomènes de la façon la plus simple et la plus maniable. Comme on l’a justement remarqué, une méthode s’est formée à partir de la formule simplex sigillum veri, qui confond la vérité (ou la connaissance) avec ce qui ne satisfait qu’un besoin pratique, exclusivement humain, de l’intellect. En dernière analyse, l’impulsion de connaître s’est transformée en une impulsion de dominer, et c’est un savant, B. Russell, qui a reconnu que la science, de moyen de connaître le monde, est devenue un simple moyen de changer le monde. (pp. 161-162)
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