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Critiques de Karen Bartlett (1)
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Architects of death

+++++++ LES ARCHITECTES DE LA MORT +++++++



Il est indéniable que le dénommé Hitler n'aurait jamais pu venir au pouvoir ni s'y maintenir si longtemps sans le support de la grosse industrie allemande. Des noms d'importantes compagnies industrielles, qui existent toujours et que tout le monde connaît, ont eu une part de responsabilité dans l'application pratique de la Shoah. Certains responsables de ces sociétés, que je préfère ne pas mentionner ici, ont été punis après la guerre, mais, à mon avis, pas assez : ni en nombre, ni en punition.



L'éternel argument avancé est bien sûr les impératifs de la reprise économique d'un pays en ruine. Personnellement, j'estime que les autorités de l'Allemagne de l'Ouest ont été bien trop clémentes. Et en Allemagne de l'Est, Moscou s'est copieusement servi des infrastructures industrielles qui ont été démantelées et déménagées tout simplement dans des centres soviétiques de l'autre côté de l'Oural, à accès rigoureusement interdit aux étrangers, comme Tcheliabinsk et Krasnoïarsk par exemple. Le motif déterminant de Joseph Staline n'était évidemment pas son fantastique souci que justice soit faite.



Parmi ces firmes qui se sont plus ou moins royalement enrichies grâce aux excès nazis, figure la boîte industrielle, "Topf und Söhne" - Topf et fils - d'Erfurt, en Thuringe, pas loin de Weimar, qui a été le fournisseur d'équipements des chambres à gaz dans les camps de la mort tels Auschwitz, Buchenwald, Dachau, Mauthausen, Belzec, etc.



La journaliste et écrivaine londonienne, Karen Bartlett, a soumis l'histoire de cette société commerciale, la famille Topf qui la gérait et certains de leurs eminents collaborateurs, à une analyse en profondeur et a eu des entretiens avec un survivant de cette honorable famille, Hartmut Topf, qui a entretemps 85 ans.

Karen Bartlett a assisté Eva Schloss, l'amie d'Anne Frank, dans la rédaction de son "Journal d'une survivante ", ouvrage duquel j'ai fait une critique le 19 octobre dernier.



Par souci d'exactitude, Karen Bartlett a fait traduire une masse de documents, notamment des archives d'État de Thuringe. Elle s'est aussi basée sur le livre de la directrice du Topf et Fils Mémorial à Erfurt, Annegret Schüle : "Industrie et Holocauste : Topf & Fils - Les fabricants des fours d'Auschwitz" , mais qui n'existe qu'en Allemand et est moins complet que cet ouvrage-ci, qui est très achevé avec ses 309 pages + 8 pages de photos. Pour le confort des lectrices et lecteurs, il comporte aussi un index, 8 pages de notes de bas de page et surtout une liste des personnages.



C'est en 1878 que Johan Andreas Topf (1816-1891), brasseur, fonda sa société qu'il baptisa "J.A.Topf & Fils, car il en avait 4 : Gustav, Albert, Julius et Ludwig Senior, qui s'est suicidé en 1914. C'est sous la direction des fils de ce dernier, Ludwig Junior (1903-1945) et Ernst Wolfgang (1904-1979) que la firme s'est spécialisée dans la fabrication d'installations d'incinération pour crématoires. Devenus membres du Parti nazi, peu après que Hitler soit nommé chancelier, les frères réussirent à devenir l'un des 2 plus importants fournisseurs des fours crématoires utilisés par ce régime pourri.



Les 2 frères avaient de bons rapports avec des sociétés et familles juives et n'étaient pas considérés comme des antisémites. Après la guerre, Ernst Wolfgang a toujours déclaré qu'il avait aidé de nombreux Juifs et s'était débrouillé pour avoir quelques témoignages de pauvres Juifs qui remercièrent le bonhomme. En fait, si la compagnie a employé quelque 600 prisonniers c'était plutôt par goût du gain : ils travaillaient comme des esclaves pour un salaire dérisoire !



Toujours est-il qu'Ernst Wolfgang Topf n'a jamais été inquiété par la justice, ce qui est parfaitement honteux et scandaleux. Ludwig Junior a échappé à toute punition en se suicidant tout de suite après la fin de la guerre.

En Allemagne, la SS fut désignée comme seule coupable, aussi bien que personne de chez Topf & Fils ne fût amené devant une cour de justice.

Même pas l'ingénieur Kurt Prüfer (1891-1952), chef du département fours et crématoires, bien que sans son esprit inventif, Tops & Fils n'aurait jamais pu rafler ce marché pour les nazis.



Hartmut est le fils d'Albert Topf qui ne travaillait pas à Erfurt, mais à Berlin pour Siemens dans la section du développement de caméras pour films et qui est décédé au camp de Sachsenhausen, repris par les Russes, en 1947, de sous-alimentation.



Hartmut Topf, qui a accompagné l'auteure aux crématoires I et II à Auschwitz-Birkenau, a déclaré : "Les crimes qui ont eu lieu ici... sont très tristes" (page xiv). Il est vrai qu'il n'a jamais rencontré les cousins de son père, Ludwig Junior et Ernst Wolfgang. C'est au cinéma, comme adolescent, qu'il a vu dans un petit documentaire comment son nom de famille était infâme. Selon Karen Bartlett, cela va don faire plus de 70 ans qu'il lutte avec cet héritage.



J'ai trouvé cet ouvrage, sorti en mars 2018, fort instructif et bien conçu. J'ignore s'il sera traduit en Français, je l'espère, bien que ce ne soit évidemment pas un sujet aisé.



Les frères Topf m'ont fait penser à la phrase célèbre de la grande Hannah Arendt sur "la banalité du mal", comme Adolf Eichmann, ils ne faisaient que leur... devoir !!!

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