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Citation de Charybde2


Un jour, Lily décida d’être une autre personne. Une personne avec un passé. C’était une maladie, chez elle, de vouloir être quelqu’un d’autre. Ce désir naissait rarement d’un véritable incident, ou d’un quelconque regret, mais semblait plutôt lié au mouvement ou à la perspective d’un pas de côté. Il s’éveillait en elle chaque fois qu’un train passait. Elle aurait alors volontiers échangé sa vie avec n’importe quel voyageur, dans n’importe quel train. Il s’éveillait souvent en voiture. Tout en roulant sur l’autoroute, entre son travail et son domicile, elle s’imaginait dépasser sa sortie, continuer tout droit et s’arrêter dans une bourgade quelconque parce qu’elle tombait en panne d’essence et, de fil en aiguille, c’était précisément ce qui lui était arrivé.
À cette différence que ce fut la police qui l’arrêta. Elle se trouvait bien au-delà de la ville, elle en avait d’ailleurs traversé plusieurs autres entretemps, et le ciel s’était obscurci. Le paysage devenait moins vallonné et elle s’enlisait dans un rythme somnolent qui la transportait dans le petit monde itinérant formé par la lumière de ses phares, dont Lily et sa voiture étaient les seuls passagers. Être forcée de s’arrêter lui avait causé un certain choc. Elle resta assise dans sa voiture. Le gyrophare tournait derrière elle : à intervalles réguliers, elle voyait ses mains, posées sur le volant, se teinter de rouge. C’était la première fois qu’elle se faisait interpeller. Dans le rétroviseur, elle vit le policier parler dans son émetteur radio. Sa porte était entrebâillée : la lumière de l’habitacle était allumée. Il sortit pour venir lui parler. Elle éteignit son moteur.
« Ma petite dame », dit-il.
Elle se demanda si les policiers des séries télé appelaient les femmes ma petite dame pour imiter les vrais policiers, ou si, au contraire, celui-ci avait appris la formule devant son écran, tout comme elle.
« Ma petite dame, vous étiez en roue libre. Je vous ai flashée à cent trente. »
Cent trente. Malgré elle, Lily était impressionnée. Elle avait roulé, sans même s’en apercevoir, à plus de quarante kilomètres-heure au-dessus de la vitesse limite. Ça voulait dire qu’elle était capable d’aller encore plus vite.
« Cent trente, dit-elle d’un air contrit. Vous savez ce que je devrais faire ? A mon avis, je suis restée beaucoup trop longtemps au volant. A mon avis, je devrais trouver un endroit où passer la nuit. Ce serait la meilleure chose à faire. Je veux dire : cent trente. C’est beaucoup trop. Vous ne croyez pas ?
– Tout à fait. »
Le policier sortit un stylo de la poche intérieure de sa veste.
« Ça ne m’arrivera plus, déclara Lily. S’il vous plaît, ne me verbalisez pas. » (« Rouge Lily »)
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