S’il est un livre à retenir au creux des nuits longues, dans cette annonce d’une écriture appliquée, foudroyante et implacable, le voici. Karianne Trudeau Beaunoyer dévoile le macrocosme de ses émois. Ce qui arrime lorsque le linge frais claque au vent des signatures rebelles. L’amplitude salvatrice, ce qui persiste dans les rais entre l’ombre et la lumière. Puiser l’interstice, la parole qui s’élève, grotte matrice délivrant le gémellaire égaré dans les limbes. La perte du double. Armure à froid sur les meurtrissures de son être dévoué à l’abandon des mots à venir. Comment grandir, sereine et sourde aux bruits intérieurs sans cette sœur décédée avant le jour qui agrippe son être corps néant sur la moindre parcelle de sa peau frigorifiée ?
« Moi aussi, dans ma gorge, j’ai deux morceaux de moi, les demi-mots d’une promesse et les pas d’une danse secrète, les mots d’amour, d’un amour sans générosité, qui se gardent d’être prononcés. » « Je brave les interdits. Je lui mets du rouge à lèvres. Je lui chante des berceuses. »
Ce texte mise la confiance. Les mots ne sont pas des papillons de nuit. Résistants, confrontation avec la lumière du jour. Nous sommes les alliés devenus d’une littérature diapason. Pénétrer au-delà du seuil, ne pas craindre les douleurs. Elles sont conciliantes et spéculatives.
« Je veux toucher ce qui échappe à ma vue. »
Fermer les yeux subrepticement, redire à voix basse l’alphabet chapelle. Entendez-vous cette voix souterraine, boucle qui chuchote afin de ne retenir que le souffle cordes et solidité. Rien ne peut détourner le lâcher des eaux, le barrage cède, le rythme est courant, force et bruit.
« La fuite est l’image que je me fais de moi. » « Au creux de mon poing, je mélange les couleurs nouvelles. »
Les fragments étincellent. Flamme qui refuse la fuite d’un seul filament. L’heure n’est pas encore clairière, plénitude et achèvement. La forêt sombre, épaisse étouffe encore ses petits. Se frayer un chemin, persister avec Karianne Trudeau Beaunoyer. Les poésies dont les échos sont notre propre cœur battant. Alliance avec une auteure qui « dessine son testament » Renaissance.
« Même livide et rèche d’impatience et de zèle, je continue de trépigner. L’aube est rouge et sonore, et je danse sur le toit. J’ai laissé tomber ma robe à mes pieds. » « Je dis je suis fatiguée, plutôt que je suis triste. Je ne dis pas écoute-moi, je ne dis pas s’il te plaît, écoute-moi, je n’attends rien de personne. Silence. M’entends-tu Miette ? »
Mère pluie, couleurs effacées par les larmes du ciel, moi, Karianne Trudeau Beaunoyer fille et sœur sans ma siamoise, comment combler le vide abyssal si ce n’est par des prières, litanies sauvages, herbe fauchée en plein vol. Enfant unique, femme en écriture. Inventer la première lettre.
« A partir d’une certaine hauteur, je n’ai plus le vertige. »
Cet écrin est perpétuel, frémissement de ce qui s’effacera dans la nuit sombre. Retenir cet invincible qui prend vie dans le champ des repentances. Oiseau noir en plein vol, encre initiatique. « Je suis l’ennemie » est une aurore boréale. Un hymne poétique poignant et majestueux, aigle horizon. Publié par les majeures Éditions Le Quartanier.
Commenter  J’apprécie         10