Karl Dubost

J'aurais voulu écrire un roman, un jour de pluie, sur une table désertée par ses étudiants à la première goutte d'eau. Je me serais assis là en face de la cathédrale, tout en regardant les gens courir sous l'eau. La chaise n'est pas encore tout à fait trempée, mais je sens déjà l'humidité sous l'étoffe. Alors sous le regard amusé d'un clochard sous son arbre, j'aurais sorti deux feuilles de papier, juste deux, pour ne pas mouiller toutes les feuilles à la fois. Et puis, j'aurais sorti un stylo à plume à l'encre violette, qu'elle m'aurait offert un jour d'orage.

Le paysan, dans son labour, arrache peu à peu quelques secrets à la nature, et la vérité qu’il dégage est universelle. De même l’avion, l’outil des lignes aériennes, mêle l’homme à tous les vieux problèmes. Nous avons attendu bien trop longtemps. Nous sommes restés assis avec le mince espoir que les choses changeraient. Et nous avons oublié, ce que nous étions, des hommes. Agir écorche nos mains. Les cicatrices sont la carte géo-sensorielle de notre vie.

Proximité et spontanéité se retrouvent dans le domaine du carnet Web. Un nouveau billet d’une personne dans son agrégateur nous entraîne rapidement à la dérive, à la rêverie. Un moment plutôt court nous donne la disponibilité de cette intimité. Une publication quotidienne crée une habitude, une attente et finalement à vouloir reproduire l’expérience régulièrement. Faut-il réinventer le roman-feuilleton de manière électronique ?

Te souviens-tu ce soir là comme on avait joué à se détester, comme tu avais demandé de cacher mes yeux, comme tu avais tiré les poils de mon bras, intriguée ? Te souviens-tu ce soir là après la pluie en marchant de Laïka jusqu'à chez toi tu avais pris mon bras pour y réchauffer tes mains, on était passé près du dépanneur poète aux étoiles et puis au coin de Sherbrooke et Saint Denis, on s'était embrassé.

Ce n’est qu’aujourd’hui que j’ai finalement déterminé ce qui m’attirait tant dans certains espaces. J’y vois l’éclat de l’ombre, entre deux immeubles, deux maisons, au coeur d’une cage d’escalier, sous le toit de plastique d’un garage, il existe une lumière particulière, qui se définit comme le jeune chêne à l’abri de la ronce.

Mes photographies, mes textes de toute nature sont déjà publiés en ligne. Ils sont accessibles à de nombreuses personnes, bien plus que n’importe quel tirage papier. Les photographies sont sous licence Creative Commons. Qu’apporterait de plus un livre ? Une validation sociale ? Cela ne m’intéresse pas, en tout cas pas celle-ci.

Sa main flotte sur l’ombre. Ses doigts gardent le contour de l’après-midi. Elle dort. Je regarde. Ne pas la réveiller. C’est l’automne. Elle glane les moments mûrs. L’or abonde et déborde. Derrière ses paupières, les mordorures de l’érable, du chrysanthème et du cornouiller. Je me livre à l’allégresse.

Les bornes temporelles autant que les géographiques permettent d’évaluer le chemin parcouru, de s’orienter et de prendre des décisions saines sur les directions à prendre. L’important est alors de toujours nourrir le plaisir d’explorer, de provoquer la fraîcheur et les envies.

Dans un réseau social, cet espace de confidentialité n’existe jamais. Il y a toujours une autre « personne » dans la pièce, qui est l’entité qui fournit le service. Votre information numérisée, vos contacts résident sur un ordinateur appartenant à une compagnie informatique.

Les corps en mouvement, les coeurs en balance dans la foule des tam-tams, sensualité des boucles de cheveux sur ses épaules à elle, ses muscles plus tendus que la peau de son tambour pour lui, transes et regards. la foule en grande réunion copulatoire musicale.