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Citation de Charybde2


ci s’achève cette tentative de portrait de la SF francophone en vieux monsieur dépressif qui radote et ne dispose que d’une version de son histoire, mais souhaite ardemment aller mieux.
Comme pour mes patients, je prétends qu’on peut l’aider en lui donnant accès à d’autres pans de son histoire encore à écrire, mais aussi, à des épisodes de sa vie laissés de côté, pour lui permettre d’essayer d’autres façons de se raconter.
Tout au long de l’écriture de cet essai, je l’ai imaginé comme une lettre, le début de ce genre de conversations qu’on peut avoir avec des gens qu’on aime.
À ma surprise, il a d’abord été une conversation avec moi-même.
J’ai exploré dans ces pages ce que proposait le fandom et je l’ai comparé avec ce qu’il pourrait être dans un avenir à portée de rêves.
J’ai fait un voyage difficile dans des souvenirs jamais assemblés tous au même endroit et quelquefois minimisés pour devenir plus supportables.
J’ai regardé en face des faits, des chiffres et tenté de saisir, à défaut de toujours comprendre, ce qu’ils disaient de ce monde-là.
J’ai osé exprimer des désirs pour un milieu SF pluriel et accueillant, inventif et vivant.
Alors, je sais qu’à compter de maintenant, pour ce qui me concerne, plus rien ne saurait être comme avant.
S’il ne me fallait garder qu’un vœu parmi tous ceux que j’ai pu formuler, ce serait celui de voir évoluer la démographie de notre milieu, ou plutôt, de voir se déplacer les projecteurs, toujours pointés sur les mêmes profils.
Avec Jeannette Ng, je rêve que nous regardions, « les yeux grands ouverts », ce qu’a été l’histoire de notre genre et que nous osions considérer que ce qu’il est aujourd’hui n’est pas une fatalité.
L’autrice née à Hong Kong dit, à propos du prix Campbell qui vient de lui être décerné : « John Campbell dont ce prix porte le nom était un fasciste. Par son contrôle sur Astounding Science Fiction, il est responsable de la mise en place d’une tonalité de la science-fiction qui hante encore le genre jusqu’à aujourd’hui : Stérile. Mâle. Blanche. Glorifiant les ambitions des impérialistes et colonisateurs, occupants et industriels. Oui, je suis au courant qu’il existe des exceptions. »
Ma place et ma posture seront donc, nécessairement, moins tâtonnantes, moins hésitantes et j’aurai la satisfaction d’avoir tenté de mettre à plat nombre de mes questionnements qui sont, je le sais, ceux de bien d’autres personnes fréquentant les festivals et les réseaux de la SF.
J’aurais voulu pouvoir développer davantage certaines idées, certains aspects de notre fonctionnement, mais d’autres auteurices, lecteurices, théoriciennes du genre, en ont les moyens, les outils et l’expertise, et j’espère qu’iels voudront bien nous en faire profiter.
Ce texte qui interroge des choix passés et imagine pouvoir influencer, ne serait-ce qu’un peu, les discussions à venir dans le petit monde de la littérature de science-fiction est écrit depuis un point de vue subjectif.
Pour autant, ce n’est pas l’œuvre d’une observatrice isolée, dominant tout dans sa tour d’ivoire. C’est une synthèse de longues années d’échanges, de réflexions, d’actions et d’obstination à rester là, dans ce petit fragment mal fait, d’un monde qui ne tourne pas rond.
Je m’imaginais membre excentrée de la communauté des amateurices et auteurices de science-fiction, avec au moins un pied dehors. Mais il n’y a pas de dehors.
Je fais partie de ce monde-là, malgré lui, malgré tout.
Celleux à qui je m’adresse, quoi qu’il en soit, sont les miens.
Alors, à l’instar de Nalo Hopkinson, je peux dire : « Personne ne me forcera à renoncer à cette littérature que j’aime, faite par des écrivains hétérosexuels, blancs, occidentaux, hommes (et femmes), mais à un moment donné, je désirerais ardemment voir d’autres cultures, d’autres esthétiques, d’autres histoires d’autres réalités et corps représentés en force aussi. »
Sans la conviction que le milieu dit de l’imaginaire est capable de se regarder et de s’ouvrir, sans l’espoir de voir se réaliser ce que le fandom contient en germe, je n’aurais pas tenté de rassembler ici mes constats et mes réflexions.
Il ne m’appartient pas de décider de ce qui viendra ensuite.
J’ai fait un nœud, je tends la main et la ficelle à qui voudra, curieuse de découvrir quel motif me répondra.
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