Kjell-Olof Bornemark

- Je peux te vendre quelque chose que tu n’as jamais possédé. - Et quoi donc? Kalle tarda à répondre. Son visage avait pris un air sournois, comme s’il n’était resté qu’un enfant d’un coin perdu. - Du pouvoir. Maintenant ses yeux étaient décidés et ironiques. Martin resta muet. - C’est pas le pouvoir qui te manquait? […] Kalle prit la boîte à chaussures qu’il avait à côté de lui et la posa sur la table. - Et voila, dit-il en soulevant le couvercle. Martin se pencha et écarquilla les yeux. Il avait du mal à comprendre. Ses lèvres bougeaient, mais il restait sans voix. Le revolver noir reposait au fond de la boîte. À côté, un petit paquet de balles. A cet instant, Martin se rendit compte de ce que Kalle voulait dire en parlant de lui vendre du pouvoir. En définitive, les armes ont tout pouvoir sur la vie des autres.

- Il parait pourtant que nous sommes en démocratie. - Sur le papier, oui. Ça te donne le droit d’élire ou de bazarder quelques uns de ces bandits tous les trois ou quatre ans. Je n’ai jamais voté et je ne le ferai jamais. J’aurais trop honte de commettre un geste aussi absurde. - C’est mieux en URSS ou en Chine? - Pas du tout. Tu ne comprends pas? Le sytème ne signifie rien, seul compte le pouvoir. Il y a ceux qui l’ont et qui veulent le conserver et puis il y a ceux qui se battent pour l’obtenir. Mais en fin de compte cela revient au même. C’est un combat truqué, ils se bagarrent toujours sur le dos des faibles. - La seule chose que je sais avec certitude, dit Martin, c’est que moi, je n’ai aucun pouvoir.