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Citation de babel95


Lorsqu'il disait "ferme-la", il me semble entendre un espace vide sous sa langue suggérant un ensemble de choses non dites qui, désormais, faisait partie intégrante de sa voix et de son inflexion, et vacillait comme une chandelle que l'on tient trop près des yeux et qu'on fait jouer, et ce trou qui constitue un point de mire, cette déchirure donnaient à son élocution un léger bégaiement, à peine audible, exprimant un accès de colère. Puis lorsque la voix s'est enrouée et a défailli brusquement, ce vide s'est installé définitivement, est devenu cellule et bacille, une végétation détériorant les cordes vocales.
Il a conservé ce silence jusqu'à la fin, la gorge prise ; le mutisme l'a étouffé. On ne peut pas éviter de se demander si ce n'est pas lui qui a été tué par ce coup incompréhensible. Et c'est pourquoi tu ne peux pas ne pas te révolter, ne pas te mettre en colère, avec, des années après sa mort, la même hantise, la même interrogation : lui-même ne souffrait-il pas personnellement du secret, comme si c'était le sien et en le couvrant ne se l'assimilait-il pas, mourant avec, peut-être par lui ? Etait-ce cela sa faiblesse ? sa blessure ? une sorte de force brute qui, soudain, à peine arrivée au sommet de sa puissance, se transforme en abattement ?
Il est trop tard désormais pour chercher une réponse et peut-être est-il absurde d'errer aussi loin. Tout ce qui t'est donné est ce silence énigmatique, ce silence significatif, il te l'a légué, te laissant libre de le saisir, de l'estimer, de le comprendre.
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