Kyong chun wendy Hui

Les débats autour des nouveaux médias résonnent souvent avec l’histoire des six aveugles et de l’éléphant. Chaque homme touche une partie de l’animal et en conclut quelque chose de différent : l’éléphant est comme un mur, une lance, un serpentun arbre, un éventail, ou encore une corde. Refusant de modifier leur position – après tout, elle découle de leur expérience personnelle – ces hommes sages s’engagent alors dans un débat sans fin : « Chacun défendant sa propre opinion / avec intransigeance et fermeté. / Même si chacun avait partiellement raison, / ils avaient tous tort ! » La morale, dans la version de cette histoire proposée par John Godfrey Saxe, est : « Le plus souvent dans les disputes théologiques, / les adversaires, selon moi, / vilipendent par complète ignorance / ce que chacun des autres veut dire / et dissertent sans fin sur un éléphant / qu’aucun d’entre eux n’a vu ! » S’il peut sembler quelque peu blasphématoire de comparer un poème sur l’inintelligibilité du divin aux débats sur les nouveaux médias, l’invisibilité, l’omniprésence et la prétendue puissance de ces derniers (et de la technologie en général) invitent irrésistiblement à cette analogie. Il semble impossible de connaître l’étendue, le contenu et les effets de ces nouveaux médias. Qui peut prétendre connaître l’intégralité du contenu de la Toile ou la véritable étendue d’Internet ou des réseaux de téléphonie mobile ? Ou voir et connaître en temps réel les interactions en ligne ? Est-il possible de rester pertinent en analysant tout à la fois les réseaux sociaux, les « romans de téléphone mobile » japonais, World of Warcraft, les algorithmes du hardware, ou encore les installations artistiques éphémères ? Une image globale des nouveaux médias
est-elle seulement possible ?