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Citation de MegGomar


Quand elles marchent dans la rue, les femmes sont supposées être en
train de rentrer chez elle. C’est à la sphère privée qu’elles appartiennent,
leur présence dans la sphère publique étant envisagée comme transitoire.
Cette croyance va chercher ses racines dans l’histoire. Et n’allez pas céder à
l’idée reçue selon laquelle cela fait des millénaires que c’est ainsi, tout
imbibé·e·s que vous êtes de visions archétypales de la préhistoire, maman
Cro-Magnon touillant la soupe dans la caverne pendant que papa chasse le
mammouth – image tout droit sortie de l’imaginaire profondément
misogyne des préhistoriens qui inventèrent la discipline au XIX siècle. Non,
cela n’a pas toujours été ainsi. Non, on ne lutte pas contre un ordre naturel
de l’humanité que nous, « féminazies » aux dents acérées, serions
déterminées à inverser. La préhistorienne Marylène Patou-Mathis a
démontré, notamment en analysant l’os du bras de squelettes, qu’il était
presque certain que les femmes de Neandertal pratiquaient la chasse à l’aide
de lances (elles ont les mêmes caractéristiques physiques que certaines
lanceuses de javelot !) et se déplaçaient au moins autant que les hommes .
Au Moyen Âge encore, même si la situation des femmes n’était pas idéale,
elles pouvaient exercer le commerce, tenir des auberges, monnayer, vendre,
acheter, aller et venir entre leur foyer et la rue, être pressées, s’enrichir.
L’universitaire italienne Silvia Federici a décrit, en énervant beaucoup les
historiens qui prétendaient depuis des siècles que l’ordre patriarcal était
présent de toute éternité, la façon dont le basculement dans le capitalisme et
la concentration des moyens de production avaient fini par renvoyer les
femmes à la sphère privée. « Le corps a été pour les femmes dans la société
capitaliste ce que l’usine a été pour les travailleurs salariés : le terrain
originel de leur exploitation et de leur résistance, lorsque le corps féminin a
été exproprié par l’État et les hommes et contraint de fonctionner comme
moyen de reproduction et de l’accumulation du travail », écrit la
professeure . Elle décrit une sorte de répartition ultrarationalisée du
travail : le travail « productif », rémunéré, des hommes, dans les fabriques,
et le travail « reproductif », gratuit, des femmes, dans les maisons. Peu à
peu, les femmes se sont vu interdire le commerce, la médecine, interdire
d’étudier, de décider. On trouvait encore au XII siècle des abbesses, des
doctoresses et des mairesses ! Ces mots que d’aucuns trouvent si laids
aujourd’hui ne sont pas des fantaisies. Ils ont toujours existé, avant d’être
effacés des dictionnaires et des esprits. Et qui maintient l’ordre dans la
langue française ? L’Académie française, créée par le cardinal de Richelieu
en 1635, vers la fin de la période de la chasse aux sorcières en Europe : un
groupe de vieux messieurs siégeant couverts d’or sous une vieille coupole
couverte d’or elle aussi, boys club qui sévit encore et estimait jusqu’à il y a
peu que dire « autrice » était un sacrilège . CQFD
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