Laurence Castaner

Ce soir-là, assise devant ma table en bois, convaincue que le destin ou les destins se décident en une fraction de seconde, j’ai décidé de commencer ce journal. J’ai 19 ans et pour la première fois de ma simple existence, je vais écrire un journal intime ou plutôt non… un récit, le récit volé de quelques mois d’une vie, de sa vie. Je pourrais l’intituler Carnet de voyage en enfer ou Périple existentiel tortueux. Ma rencontre avec ce garçon qui semble foncièrement et fondamentalement gentil a bouleversé mon quotidien trop bienstructuré, a comblé un vide dont j’ignorais l’existence et m’a tellement troublée que, ce soir je fais face à cette page blanche. Elle s’étend, là, sous ma plume, avide de la découverte de son parcours atypique…

La vie diurne reprenait donc ses droits lors de cette matinée identique aux autres qui débutait pourtant inhabituellement tôt pour Jed. Le radio réveil retentit et un morceau très rock de Muse le tira péniblement de son sommeil profond, foutu réveil. Tout en émergeant lentement de sa torpeur, il mesura toute l’importance qu’il dédiait au surf, il se levait aux aurores un jour de repos, un comble pour un fainéant comme lui. Il n’y avait que la recherche de la vague parfaite, de sensations fortes au creux d’un tube ou la vision de ces déferlantes incessantes et inépuisables qui puissent le tirer hors de son lit à cette heure indue.

S’est-on jamais demandé si une demi-seconde programmée en mode tragédie peut basculer vers une demi-seconde plus salvatrice, déboucher sur un horizon aux antipodes de notre existence et la révolutionner définitivement ? Un destin semble tout tracé et pourtant il peut bifurquer, dévier, se détourner, s’envoler, de par un évènement, une décision, une réflexion, un individu. Aucune route n’apparaît indéfiniment droite, aucune destinée n’apparaît définitivement balisée. Ce n’est jamais facile de s’engager sur le bon chemin et seuls nos cœurs nous guident au moment de la décision finale. Puis parfois, il y a les erreurs, les remords, ou la honte…

Jed aimait regarder l’océan, s’approprier sa sérénité.Il savait qu’il allait partager un moment privilégié avec lui, tenter en vain de le dompter sans que personne ne l’apprivoise jamais, il impose ses propres règles, il domine tout. Un surfeur doit être conscient qu’il ne maîtrisera jamaisl’océan, il doit juste rester en adéquation et en symbiose avec lui, le lire, le comprendre, suivre ses mouvements et le remercier de lui donner autant de plaisir.

Quand tu souris, tu irradies… tu dégages une telle chaleur que les climatologues ont du souci à se faire avec le réchauffement de la planète que tu accélères !